Céline BERCION - Dr en Psychologie sociale et systémique
Psychothérapie
Thérapie de couple - Sexothérapie 
Initiatrice des grandes traversées de vie

Psychothérapie, thérapie de couple, sexothérapie et éveil de conscience

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Céline BERCION - Dr en Psychologie sociale et systémique
Psychothérapie
Thérapie de couple - Sexothérapie 
Initiatrice des grandes traversées de vie

Pourquoi les femmes s’adaptent encore trop dans le couple (et ce que ça leur coûte vraiment)


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Suradaptation féminine dans le couple : quand aimer revient à s’effacer

"Ce n’est pas lui qui me le demande… C’est moi qui m’adapte. Je fais ça naturellement".

Ces mots, je les entends chaque semaine en séance.
Et ce qu’ils révèlent, c’est moins un choix conscient qu’un pli relationnel profondément inscrit. 

Selon une étude IFOP (2023), 54 % des femmes déclarent avoir déjà modifié leurs projets de vie ou leur rythme quotidien pour s’adapter à leur partenaire, contre seulement 28 % des hommes.
(Source : Ifop "Les Français et l’adaptation dans le couple", 2023).

En fait, ce réflexe d’adaptation est profondément genré. Comme le souligne Christine Castelain-Meunier, l’histoire du féminin dans nos sociétés s’est construite sur la disponibilité affective, le renoncement discret, et la survalorisation de l’autre.

Selon Bedrov et al., le stress relationnel active chez les femmes une stratégie de "tend-and-befriend" : apaiser, se relier, éviter le rejet. Une stratégie de survie en quelque sorte … qui mène souvent à une invisibilité affective et va jusqu'à l’épuisement émotionnel.

Et, in fine, Falgares en souligne les conséquences : dans l’intimité, plus la femme régule le lien, plus son désir se fige. Le corps se coupe, la vitalité chute, la charge mentale émotionnelle augmente.

 

En fait, ce que l’on prend pour une preuve d’amour est souvent un verrou.

 

Et à force de s’oublier, certaines femmes finissent par ne plus exister dans le lien autrement qu’en s’adaptant.

Cet article explore ce que cette suradaptation révèle du féminin blessé et comment retrouver une juste place dans la relation, sans renoncer à aimer.

1 - Pourquoi tant de femmes s’adaptent… jusqu’à s’oublier ?

"Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là. C’est comme si, petit à petit, j’avais disparu."
Témoignage de Marion, 41 ans, en thérapie de couple

Avant même leur premier amour, beaucoup de femmes ont appris à aimer… en s’effaçant.

Ce n’est pas une faiblesse. Et ce n’est pas un trait de caractère. C’est une adaptation précoce, souvent inconsciente, pour sécuriser l’amour, ne pas déranger, rester désirables. En quelque sorte une intelligence relationnelle née dans des contextes familiaux où l’amour dépendait de la conformité, du calme, du "bon comportement".

C’est une construction sociale, relationnelle et psychique, que des chercheuses et cliniciennes comme Christine Castelain-Meunier, Ariane Couvrette, ou encore Pascale Molinier analysent finement : l’identité féminine s’est longtemps façonnée dans et pour le lien. Pas dans l’expression de soi, mais dans l’adaptabilité.

Ce pli relationnel devient alors un schéma d’attachement (qui va ensuite se combiner à un style d'attachement au sens clinique du terme : tout l'enjeu de mon travail est alors de démêler ce qui est un construit social et ce qui appartient à la blessure). Et une fois adulte, il s’exprime dans le couple par une posture apparemment vertueuse : elle écoute, elle soutient, elle s’adapte.

Mais à quel prix ?

De quels profils de femmes parle-t-on exactement ?

Je ne parle pas ici d’une catégorie figée. Je parle plutôt de profils adaptatifs que je rencontre souvent dans ma pratique et que la littérature scientifique contemporaine éclaire avec rigueur.

 

1. Celles qui portent un attachement insécurisé

Qu’il soit anxieux ou évitant, leur style d’attachement les pousse à maintenir la relation à tout prix. Elles font pour deux, apaisent, contournent les conflits, s’oublient dans une régulation émotionnelle constante.
Cf. travaux de Guédeney, Persiaux, Bretaña et al.

 

2. Celles élevées comme des "bonnes filles"

Elles ont reçu un double message : sois sage, et fais plaisir. Elles deviennent des championnes de l’anticipation affective, de la modulation de leur intensité, de la compatibilité émotionnelle.
Cf. travaux de Couvrette, Castelain-Meunier, Mona Chollet

 

3. Celles loyales à une lignée féminine silencieuse

Leurs mères ou grand-mères ont aimé en se taisant, ont supporté en souriant, ont continué à donner même épuisées. La loyauté transgénérationnelle peut transformer cette résignation en "normalité".

Cf. travaux de Falgares (sexualité et régulation émotionnelle)

 

4. Celles en excès de "care invisible"

Elles prennent soin de tout : des émotions du couple, de la libido de l’autre, de l’ambiance, des silences, des malaises.
Cf. travaux de Molinier (travail de care invisible), Bedrov et al. (réflexe “tend-and-befriend” au stress relationnel)

 

5. Celles prises dans des scripts patriarcaux intériorisés

Même conscientes, même féministes, certaines femmes portent encore cette injonction intériorisée : "Sois souple, sois fluide, c’est à toi d’ajuster."
Cf. travaux de Mona Chollet, Paule Salomon, Bergström (mutation des identités relationnelles)

Et puis, il y a cette phrase. Celle qu’on (leur homme, leurs ex, ...) leur a répétée, parfois comme un diagnostic, parfois comme une gifle :
"Tu n’es pas facile à aimer, tu sais".

En tant que psy, je l’entends tous les jours.
En tant que femme, je l’ai reçue des dizaines de fois ... (j'en profite, une fois n'est pas coutume, pour rendre ici hommage à tous les hommes qui me l'ont signifié et les en remercie) .

Pourtant, derrière cette phrase, il y a souvent des femmes qui aiment profondément, intensément, mais avec des frontières poreuses, un cœur épuisé et une peur viscérale d’écraser l’autre, voire de le castrer. Des femmes qui se sont ajustées jusqu’à devenir l’ombre d’elles-mêmes, simplement pour qu’on continue de les choisir.

Bretaña et al. décrivent ce réflexe chez les femmes à attachement évitant : une stratégie de repli relationnel pour éviter rejet et conflit, en se faisant petites, fluides, prévisibles. Elles apprennent à désirer sans réclamer, à aimer sans déranger.

 

Ce que Christine Castelain-Meunier nomme conditionnement affectif invisible, c’est justement cela :

la fabrique silencieuse de la femme acceptable, celle qui porte la charge mentale du lien sans jamais dire que ça pèse.

 

Mais ce n’est pas de l’amour. C’est, au mieux, de l’ajustement en boucle, une régulation constante. C'est, au pire, un épuisement sous couverture affective.

 

Quand l’adaptation affecte la sexualité

Mais le corps, lui, ne ment pas. À force de s’ajuster, de lisser, de se taire, certaines femmes sentent leur désir s’amenuiser, leur plaisir s’éloigner, leur bassin se crisper.

Falgares a montré en 2020 que cette hyper-régulation émotionnelle chez les femmes entraîne souvent une sexualité inhibée.
Le désir ne peut fleurir dans un espace où il faut tout contrôler.

C’est là que le symptôme sexuel devient un signal thérapeutique : "je ne ressens plus rien" peut vouloir dire "je ne peux plus me trahir davantage".

 

A quoi je le vois dans ma pratique professionnelle 

En consultation, ces femmes ne parlent pas d’abord d’amour. Elles parlent de fatigue, de baisse de libido, de sentiment d’inutilité dans la relation, etc. Le feu qu’elles avaient, la vivacité, l’intuition, tout cela semble lointain.

Et pourtant, elles n’ont pas disparu. Elles ont simplement adopté un rôle pour rester en lien. Mais à force de se modeler au lien, elles se sont éloignées d’elles-mêmes. Et leur corps réclame une réconciliation. Maintenant.

2 - Quand elles s’adaptent, ce que les hommes préfèrent ne pas voir

"Je veux une femme libre, sensible, entière… mais pas trop exigeante, pas trop blessée, pas trop présente. "
Voilà le paradoxe silencieux dont sont porteurs de nombreux hommes contemporains.

Au-delà de ce que nous venons de voir, beaucoup de femmes s’adaptent dans le lien non pas seulement par héritage éducatif, mais parce que leur adaptation protège également l’équilibre émotionnel du couple… et le confort psychique de leur partenaire.

Tant qu’elle se module, il n’a pas besoin de se transformer.

Tant qu'elle s’adapte, il se détend.

Tant qu'elle s’ajuste, il se sent libre.

Tant qu'elle porte, il avance.

Tant qu’elle contient, il n’a pas à apprendre à accueillir.

 

De nombreuses chercheuses en sociologie du genre et en psychologie du lien montrent que, dans l’inconscient collectif hétérosexuel, il est encore largement admis que la femme est la variable d’ajustement du lien. La femme est celle qui sent, ajuste, répare, prévient. Même sans demande explicite, elle porte ce que l’autre ne nomme pas. Et ce, même lorsque ce modèle d’amour semble dépassé.

En apparence, l’homme ne demande rien. Il ne formule aucune exigence.

Mais la dynamique relationnelle lui est favorable, tant qu’elle s’adapte.

 

1. Quand elle s’adapte, il n’a pas besoin de grandir

Chez certains hommes au style d’attachement évitant (Bretaña et al., 2018), la disponibilité émotionnelle de leur partenaire déclenche moins une reconnaissance affective qu’un confort passif. Elle fait le lien, elle s’excuse du silence, elle devine ce qu’il ne dit pas et lui peut éviter l’intimité qu’il redoute sans jamais nommer sa fuite. Il croit aimer dans la paix, mais il est simplement protégé par l’effacement de l’autre.

Christine Castelain-Meunier (2012) parle d’un "conditionnement affectif invisible" : la femme perçue comme une "bonne partenaire" porte sans plainte la charge mentale relationnelle. Ce déséquilibre est souvent naturalisé, voire idéalisé. Il devient ainsi une norme. Une norme douce. Et pourtant, une norme terriblement violente.

"On attend d’elle qu’elle s’adapte... parce que lui n’a jamais appris à véritablement co-créer du lien".

 

2. Le piège des injonctions contradictoires

Les femmes d’aujourd’hui ont conquis des espaces. Elles travaillent, elles choisissent leurs partenaires, elles vivent des sexualités plus libres, elles divorcent, elles refusent parfois la maternité.
Mais dans la sphère intime - la plus invisible, la plus chargée émotionnellement - les logiques d’assignation au lien perdurent.

Elles peuvent tout… à condition de rester douces.
Elles peuvent dire non… mais pas trop fort.
Elles peuvent réussir… mais pas au détriment du couple.
Elles peuvent exister… mais sans déranger l’autre.

Sois douce, mais pas soumise. Sois indépendante, mais pas distante. Sois forte, mais pas dure. Sois sexuelle, mais pas trop. C’est ce paradoxe que pointe Mona Chollet dans Réinventer l’amour (2021) : la femme contemporaine vit une tension constante entre l’autonomie conquise et la loyauté affective attendue, entre liberté personnelle et assignation affective. Ce n’est désormais plus l’homme qui impose : c’est la norme relationnelle internalisée qui murmure à l’oreille.

 

Ce phénomène porte un nom : c'est ce que Bergström appelle "la double identité relationnelle". Dans une étude sur l’évolution des modes relationnels (Bergström, 2020), il est démontré que les femmes développent souvent une double identité :

  • une identité d’indépendance sociale, affirmée, choisie, construite par le travail, la réflexion, les cercles de sororité, de développement personnel, de spiritualité ;

  • et une identité de disponibilité affective, plus ancienne, forgée dans l’histoire familiale, les modèles culturels, les attentes implicites du couple hétérosexuel.

Cette double identité crée une forme de dissonance émotionnelle, que nombre de femmes n’osent pas nommer. Elles vivent une tension permanente entre leurs désirs de vérité et les peurs très anciennes de "ne plus être aimées si elles déçoivent".

La suradaptation devient alors une réponse logique à l’incohérence du message social : une tentative pour rester aimable dans un système qui, structurellement, ne les aime qu'à condition de rester modulables.

 

3. Être "facile à aimer" : le fardeau du féminin modéré

"Je ne veux pas être un poids"
"Je ne veux pas qu’il dise que je suis chiante"

C’est ce que j’entends chaque semaine dans mon cabinet. Et c’est aussi ce que j’ai entendu, bien trop souvent, en tant que femme (je sais, je me répète, je l'ai déjà signifié dans la partie précédente). 

Falgares (2015) a montré combien cette régulation émotionnelle permanente fragilise l’expression du désir sexuel. Trop d’attention portée à l'autre et le corps s’éteint. Le lien devient gestion, non rencontre. Et la sexualité s'appauvrit, non par désintérêt, mais par saturation.

Dans ce contexte, aimer n’est plus un élan : c’est une performance. Une sorte d'auto-censure affective et corporelle.

J’aimerais faire ici un clin d’œil à toutes celles que l’on a jugées "trop". Trop intenses. Trop présentes. Trop exigeantes. Trop sensibles. Et qui, pour être aimées, sont devenues moins vivantes.

 

Et si on parlait, tant que l'on y est, de la double contrainte amoureuse : 

  • "Sois présente… mais pas collante"

  • "Exprime-toi… mais ne sois pas émotive"

  • "Fais-toi respecter… mais reste fluide"

  • "Sache ce que tu veux… mais ne sois pas directive"

Ces contradictions ne sont pas anecdotiques. Elles constituent un cadre normatif implicite, dans lequel la femme intègre l’idée que l’amour passe par l’auto-négation.

4. Ce que la suradaptation permet (aux hommes) d’éviter

Castelain-Meunier et Chollet convergent sur ce point : la suradaptation féminine camoufle, aux yeux des hommes, leur propre immaturité affective. Ce n’est pas un défaut moral. C’est un déficit de socialisation à l’intimité. Beaucoup d’hommes ont été élevés dans le silence émotionnel, la méfiance envers le corps, l’évitement du conflit intérieur.

Lorsqu’une femme prend tout (en tout cas beaucoup) sur elle, cet homme n’a pas à se remettre en question. Il n’a pas besoin de faire le deuil de sa toute-puissance relationnelle (voir également mon article : https://www.neosoi.fr/neosoi-blog/psycho-et-sexo/articles/pourquoi-les-hommes-n-ont-jamais-appris-a-entendre-sans-se-sentir-remis-en-question). Il peut continuer à penser que ce qui ne va pas dans le couple vient de l’excès émotionnel de l’autre. Et la boucle est bouclée.

En ce sens, la suradaptation est un miroir qui évite à l’homme de se voir.

 

Et si on parlait également de ce que les biais cognitifs masculins ne perçoivent pas

  • Biais de confirmation :

"Elle est trop émotive" → je repère uniquement ses moments de vulnérabilité, pas ses efforts de maîtrise.

  • Biais d’autocomplaisance :

"Je suis calme, elle est instable" → j’attribue les conflits à elle, jamais à mes évitements.

  • Norme d’internalité (Beauvois, 1991) :

"Si elle souffre, c’est qu’elle le choisit" → je crois qu’elle devrait "simplement décider" d’aller mieux.

Ces biais (liste non exhaustive) renforcent un déséquilibre relationnel où la femme devient le symptôme visible du malaise invisible.

 

5. Le rôle projectif : docile ou ingérable

Lorsqu’une femme dit "oui" à tout, (y compris dans la sphère sexuelle) elle est aimable. Lorsqu’elle ose dire "non" trop souvent, elle apparaît comme ingérable. Cette bascule est au cœur des rôles projectifs masculins : la femme est soit la complice, soit la menace. 

"Elle a tellement changé. Avant, elle était douce"
"Elle est devenue distante, voire manipulatrice"
"Je ne sais plus ce qu’elle veut. Elle me fatigue"

Et très souvent, la voilà pathologisée. Dans ma pratique, j’ai vu des femmes étiquetées "perverse narcissique", alors qu’elles osaient seulement ne plus se plier.

 

Et dans la vraie vie ça donne quoi ? 

Sophie, 38 ans. Elle cuisine ses plats préférés, planifie les week-ends, écoute, comprend, cède souvent (vision partagée et validée par les 2 membres du couple).
Lui, en séance de thérapie de couple : "je trouve qu’il manque de peps dans notre couple. Elle n’est plus comme avant".

Ce qu’il ne voit pas, c’est que c’est précisément parce qu’elle a trop donné qu’elle s’est épuisée.

Il confond le confort avec l’amour. Et la stabilité avec l’évidence.

 

Pour le dire autrement ...

Une femme qui s’adapte trop finit par se quitter elle-même. Elle renonce à sa voix pour maintenir un lien.
Mais un lien qui demande de trahir son âme n’est plus un lien. C’est une stratégie de survie.

"Aimer, ce n’est pas s’adapter. C’est oser se rencontrer, sans masques". Ce pose alors la question fatidique : pour quoi ou de quoi / de qui le partenaire est-il en amour ? 

Sur le plan clinique, cela donne :

  • des femmes qui se sentent coupables d’être trop exigeantes, alors qu’elles n’ont rien demandé d’extraordinaire ;

  • des femmes qui réduisent la voilure de leur puissance pour préserver la relation ;

  • des femmes qui, dans l’intimité sexuelle, n’osent plus "prendre", car leur libido semble "trop invasive, trop vivante, trop… masculine".

 

Falgares (2015) nous le montre bien : cette tension entre liberté affichée et loyauté affective implicite impacte directement la capacité à exprimer son désir sexuel de manière pleine et autonome.


Et c’est cette brèche que j’observe dans mon cabinet.
Des femmes qui se sont libérées… mais qui continuent à "ne pas déranger"
Des femmes puissantes… mais épuisées d’avoir toujours à équilibrer.
Des femmes conscientes… mais coincées dans des contrats affectifs anciens, non réactualisés.

3 - Ce que ça produit dans le lien amoureux

L’asymétrie émotionnelle invisible : quand une seule personne porte le lien

"Je m’occupe de tout… mais c’est moi qu’on accuse d’en faire trop"

Dans de nombreux couples hétérosexuels, la femme devient, sans s’en rendre compte, le régulateur émotionnel du lien. Elle écoute, anticipe, amortit les tensions, ajuste ses besoins pour préserver l’équilibre. (Cf. mon article sur la femme comme mère du lien : https://www.neosoi.fr/neosoi-blog/psycho-et-sexo/articles/pourquoi-les-femmes-perdent-leur-desir-sexuel-plus-vite-que-les-hommes-comprendre-le-desir-feminin-et-masculin). 

Nota : cette asymétrie émotionnelle invisible n’est pas toujours voulue par l’homme : elle résulte souvent d’un conditionnement affectif implicite, hérité de générations de femmes qui ont appris à être "compréhensives, patientes, solides". Mais à force de compenser, une fatigue s’installe. Puis, le désir s’éteint.

 

Le désir qui se retire… quand aimer devient une mission

"Je n’ai pas de problème hormonal. J’ai juste l’impression de devoir être disponible… tout le temps."

En sexothérapie, ce n’est pas rare de rencontrer des femmes intelligentes, brillantes, pleines de vie… qui ne désirent plus.  Pas à cause de leur âge, ni d’un déséquilibre hormonal. Mais parce que leur corps dit stop. Stop à la charge. Stop à la gestion. Stop à la suradaptation.

Comme le décrit Falgares (2015), lorsqu’une femme régule seule les émotions du couple, sa sexualité devient souvent un espace sans vitalité, sans spontanéité. Le corps ne suit plus : il s’anesthésie pour se protéger.
Et ce n’est pas du désamour : c’est un réflexe de survie émotionnelle.

 

Cas clinique (extrait réel, modifié)

Sophie, 42 ans, en couple depuis 12 ans

"Je n’ai jamais dit non. Mais maintenant, je ne ressens plus rien. Je peux faire l’amour… mais je suis ailleurs."

Sophie travaille à temps plein, gère les enfants, pense aux vacances, aux rendez-vous médicaux, au linge propre.
Son mari l’aime, il l’aide "quand elle demande". Mais il ne porte pas la relation : il la vit. Sophie, elle, l’organise.

En séance, elle réalise : "je m’étais transformée en une sorte de système de maintien du couple… pas en femme désirante". Elle n’a pas de problème sexuel. Elle n'a pas de problème hormonal (enfin si, au regard de ses analyses de sang que je lui avais demandé de faire, mais seulement au niveau des hormones du stress et non des hormones sexuelles au sens strict du terme).

Sophie a simplement un corps qui dit enfin non à l’injustice affective.

Symptômes fréquents de la suradaptation féminine

Le symptôme dit ce que la relation n’a pas su entendre. Chez ces femmes, on retrouve souvent :

  • Fatigue chronique et troubles du sommeil

  • Douleurs pelviennes ou rapports douloureux

  • Dissociation pendant les rapports : "je suis là, mais je ne ressens plus"

  • Pleurs inexpliqués après la sexualité

  • Rumination mentale et culpabilité d’"être trop" / d'en "demander trop"

Ces signaux ne sont ni psychosomatiques au sens trivial, ni "dans la tête". Ils sont dans le corps, dans la mémoire relationnelle et dans le système nerveux autonome qui tente de protéger l’intégrité émotionnelle.

 

Et un jour… le corps tranche là où l’esprit n’ose pas

"Je suis restée. Mais je ne suis plus là."

Quand la femme a trop porté sans soutien, elle s’épuise. Deux scénarios apparaissent souvent en thérapie :

  1. La rupture soudaine : "C’est fini." Le corps ne veut plus.

  2. Le retrait affectif silencieux : "Je reste, mais je me retire intérieurement."

Et c’est là, parfois, que l’homme se réveille — non pas parce qu’il réalise ce qu’il a fait…
mais parce qu’il sent que la disponibilité affective de sa partenaire a disparu.

 

Et si le symptôme appelait une mue ?

La libido n’est pas une fonction isolée.
C’est une expression de la vitalité, de la puissance, du désir d’exister dans le lien.
Lorsque cette vitalité s’éteint, le symptôme nous invite à autre chose : une réinvention du lien, une restauration de l'équilibre, une vérité à réaffirmer. Ou sinon, c'est la séparation qui est envisagée / actée.  

Dans certaines trajectoires de vie, la sexualité en pause n’est pas une fin. C’est véritablement un seuil, une traversée initiatique du féminin. C'est un lieu où se réécrit le rapport au don, au corps, au sacré, à l’amour.

Alors, j'ai envie de vous poser la question qui fâche mais qui est centrale : si ce n’était pas le désir qui avait disparu… mais le rôle de régulatrice qu’il était temps d’abandonner ?

4 - Quand la femme arrête de tenir le lien : que reste-t-il de l’amour ?

En séance, et pour ce genre de problématique, je pose souvent cette question : "et si vous arrêtiez de porter la relation, est-ce que, selon vous, elle tiendrait encore debout ?"

Et là, le temps suspend sa course.

Certaines femmes baissent les yeux. D'autres sourient tristement. D'autres encore me regardent comme si je venais de faire exploser un mensonge qu'elles nourrissaient à coups de bonne volonté.

Car au fond, elles savent déjà...

 

Quand l’amour devient une stratégie de maintien

Ce qui est constatable, c'est que le couple ne tenait plus par le lien, mais par une stratégie de compensation émotionnelle. La femme anticipe, amortit, relance, nourrit, régule… à elle seule.

Cette mécanique était devenue si familière que chacun des partenaires a finit par la confondre avec le lien lui-même...

 

Ce que révèle le test du vide relationnel

Quand une femme cesse de tenir les rênes invisibles du lien, deux vérités émergent :

  1. Soit l’autre prend enfin sa part.

  2. Soit le lien s'effondre, révélant qu’il tenait par déséquilibre.

Et c’est souvent là qu’une douleur inattendue surgit :

"Ce n’est pas qu’il ne m’aimait pas.

C’est qu’il ne savait pas comment aimer autrement que dans le confort de ce que je gérais à sa place."

 

Myriam, 53 ans :
"J’ai arrêté de lui envoyer des messages quand il rentrait tard, de relancer les conversations, de prévoir nos week-ends.
Il m’a dit : "tu n’es plus comme avant, tu te renfermes"
Myriam lui a répondu : "non, je me retire de ce que tu ne vois pas"

 

Thomas, 46 ans :
"Elle a arrêté de porter, et j’ai flippé. J’ai cru qu’elle me faisait un test. Alors j’ai attendu. Puis je me suis dit qu’elle allait revenir. Mais elle n’est pas revenue. Et moi, j’ai réalisé que je n’avais jamais appris à être partenaire. Seulement à recevoir."

Le retrait n’est pas une rupture, c’est un rite de passage

Ce que beaucoup d’hommes vivent comme un retrait ou un abandon est en réalité un acte initiatique. La femme ne quitte pas forcément la relation :

  • Elle quitte le poste affectif qu’elle occupait sans contrat clair.
  • Elle cesse d’être l’architecte du climat amoureux, l’assistante émotionnelle et la gardienne de la connexion.

C’est une démission, pas une désertion. Je reconnais bien volontiers que c'est inconfortable. Mais c'est avant tout et surtout une reconfiguration du lien, pas une punition.

 

Ce que le vide permet de voir

Quand une femme cesse de porter, tout ce qui était délégué à son silence devient visible :

  • L’asymétrie des investissements affectifs.

  • L’absence d’initiatives de l’autre.

  • Le déséquilibre dans la co-construction du lien.

Et paradoxalement, c’est souvent là que la vérité relationnelle émerge, brutalement. Et alors, soit le couple meurt à son ancien schéma pour renaître autrement. Soit il meurt tout court.

C'est d'ailleurs tout l'enjeu d'une thérapie de couple : amener une reconfiguration de la relation, pas un reproche. Relancer un engagement à deux ou alors envisager une libération entière.

 

1 exercice concret pour reconfigurer le pacte relationnel : le mandala des tensions invisibles

Objectif : Identifier visuellement tout ce que je porte dans la relation sans que ce soit dit, reconnu, partagé.

Étapes :

  1. Prendre une grande feuille blanche.

  2. Dessiner un cercle. Diviser en 4 zones :

    • Tensions que je régule

    • Initiatives relationnelles que je prends

    • Renoncements silencieux que j’accepte

    • Zones où je fais semblant

  3. Écrire dans chaque zone tout ce que vous portez, sans que l’autre en ait conscience.

  4. Contempler. Puis poser cette question : "Et si j’arrêtais de porter tout ça ?" / "Qui tiendrait quoi si j’arrêtais ?"

 

Pour le dire autrement : quand la femme se désengage du rôle de garante du lien, l’homme est invité à :

  • se responsabiliser émotionnellement

  • nommer ses besoins

  • participer activement à la sécurité affective

Ce n’est plus "elle qui porte". C’est eux qui co-construisent.

Conclusion

Reprendre sa place, ce n’est pas perdre l’amour. C’est sortir de l’effacement et reprendre sa souveraineté

Dans ma pratique, je rencontre beaucoup de femmes qui tiennent à bout de bras des liens qui ne reposent pas / plus sur un engagement mutuel, mais sur leur capacité à s’ajuster.

Elles le font souvent sans en avoir conscience. Pas par faiblesse, mais parce qu’elles ont été socialisées dans le lien, élevées pour deviner, réguler, réparer. Parce qu’on leur a appris, parfois très tôt, qu’être une "bonne partenaire", c’était s’adapter.

Ce que certaines appellent "aimer" est en réalité une stratégie de survie émotionnelle.
Et ce que d’autres appellent "stabilité" relève - souvent -  d'une forme d’asymétrie affective invisible.

 

Reprendre sa place dans le lien, ce n’est pas faire preuve d’égoïsme. C’est refuser de faire perdurer une organisation relationnelle unilatérale, usante, et souvent intenable sur le long terme.

Cela implique de sortir du pli adaptatif, de remettre en question les normes implicites qui font encore de la femme "celle qui prend sur elle", "celle qui comprend", "celle qui encaisse".
Et cela demande, de façon plus subtile encore, de déconstruire l’idée qu’un couple harmonieux est un couple sans tension. Car ce mythe sert trop souvent à étouffer les besoins des femmes.

 

Aujourd’hui, dans cet article, c’est à ces femmes que je m’adresse.
Celles qui portent le lien, parfois seules.
Celles qui se demandent si elles ne deviennent pas "trop exigeantes", "trop lucides", "trop entières".

Ma réponse est claire : non, vous ne demandez pas trop. Vous avez simplement arrêté de demander trop peu.
Et c’est un véritable point de bascule qui s'opère.

 

Envie de sortir du pli adaptatif sans tout casser ?

Ce que tu vis n’est pas "banal", ni "dans la norme". C’est le symptôme silencieux d’un lien trop porté, trop ajusté, trop contenu.
Et si cette fois, tu ne portais plus seule la relation ?
Et si, au lieu de te remettre en question, tu changeais de cadre ?
Et si ce malaise n’était pas une faiblesse, mais un appel à réinventer ta manière d’aimer ?

Si vous ressentez ce tiraillement, ce décalage dans le lien, ce doute persistant sur votre place…
Il est peut-être temps de ne plus porter ça seul·e.

Je propose un accompagnement sur-mesure, en séance individuelle ou en couple, pour mettre en lumière ce qui se rejoue dans vos relations.
Et pour celles et ceux qui sont prêts à démarrer une traversée plus profonde, je vous propose 2 parcours de 10 séances de 2h en 1.1. 
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Bibliographie

  • Bedrov, A., Grych, J. H., & Kobak, R. (2020). The tend-and-befriend response to relationship stress: A gendered attachment-based perspective. Journal of Social and Personal Relationships, 37(2), 327–349.

  • Bergström, M. (2018). Les transformations contemporaines des identités relationnelles : entre liberté et assignation affective. Revue Sociologie et Sociétés, 50(1), 121–139.

  • Bretaña, M. J., Recio, P., & Ramos, A. (2019). Attachment avoidance and conflict management in romantic relationships. Journal of Family Psychology, 33(4), 523–535.

  • Castelain-Meunier, C. (2012). Les Métamorphoses du masculin : L'homme en quête de repères. Paris : PUF.

  • Castelain-Meunier, C. (2022). La femme contemporaine entre assignation et émancipation : les paradoxes du lien conjugal. Revue Française de Sociologie, 63(3), 491–514.

  • Chollet, M. (2018). Réinventer l’amour : Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles. Paris : Zones.

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  • Winnicott, D. W. (1971). Jeu et réalité : l’espace potentiel. Paris : Gallimard.

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