Psychologie systémique, thérapie de couple, sexothérapie et éveil de conscience

06 22 75 87 93
Céline BERCION - Dr en Psychologie sociale et systémique
Psychothérapie
Thérapie de couple - Sexothérapie 
Initiatrice des grandes traversées de vie

Psychologie systémique, thérapie de couple, sexothérapie et éveil de conscience

06 22 75 87 93
NeoSoi
Céline BERCION - Dr en Psychologie sociale et systémique
Psychothérapie
Thérapie de couple - Sexothérapie 
Initiatrice des grandes traversées de vie

Pourquoi les hommes n’ont jamais appris à entendre… sans se sentir remis en question


26 vues

Écoute masculine, défenses inconscientes et pouvoir transformateur du lien

Et si écouter ne voulait plus dire se sentir mis en accusation ?
Et si la difficulté des hommes à entendre les besoins d’une partenaire n’était pas un manque d’amour… mais plutôt une fracture dans l’éducation émotionnelle ?
Cette fracture, pourtant invisible, affecte profondément les dynamiques relationnelles et sexuelles dans le couple.

Ce n’est pas que les hommes ne veulent pas écouter.

C’est qu’on ne leur a jamais appris à entendre sans se sentir remis en question.
Une vérité douloureuse, mais transformatrice.

Dans cet article, je t’invite à comprendre ce mécanisme de l’intérieur et, surtout, à explorer comment le réapprendre afin qu'il devienne un véritable levier de transformation du lien amoureux.

Nota : tous les hommes ne réagissent pas de la même façon selon l'histoire d'attachement, le tempérament ou le niveau d’éducation émotionnelle. Cet article ne vise pas à enfermer mais, au contraire, à ouvrir des pistes de transformation pour sortir des cercles défensifs. 

I. L’aveuglement émotionnel masculin : un héritage éducatif

1. Une socialisation émotionnelle tronquée

De nombreuses recherches montrent que les garçons sont éduqués à masquer leurs émotions dès l’enfance. Les travaux de Nicole Guédeney (2017), montrent comment on décourage les petits garçons à manifester tristesse, peur ou vulnérabilité. Dans la construction psychique, ces inhibitions précoces freinent la capacité de compréhension émotionnelle à la fois chez soi et chez l'autre.

Une récente étude de l’Université de Montréal (2021) va dans ce sens et révèle que les hommes avec une meilleure précision émotionnelle dans l’écoute rapportent une satisfaction conjugale de 25 % supérieure à la moyenne nationale. Rien que ça.  
 

L’éducation émotionnelle masculine apparaît ainsi massivement déficitaire, ancrée dans la non-expression émotionnelle et la performance.

2. Le modèle patriarcal du protecteur-réparateur

Par ailleurs, on peut voir que le modèle de masculinité hégémonique (Connell, 1995) encourage un rôle masculin centré sur la performance, la solution et le contrôle, en minimisant l’écoute émotionnelle. Or, ce modèle est incompatible avec une posture d’écoute vulnérable.

Sur le plan neuroscientifique, Jean‑Philippe Lachaux (2018) souligne que l’écoute active mobilise un état attentionnel lent — préfrontal et méditatif — en opposition à l'impulsivité promue dans l’éducation virile.

Pour le dire autrement, l’écoute active est plutôt neurobiologiquement opposée à la culture virile impérative.

3. Pleine conscience et satisfaction conjugale : le facteur attentionnel

Selon les travaux de Laurence Morin et Julie Laurin (2023), une culture individuelle de l'attention consciente (pleine conscience) est associée à une baisse du stress de 30 % et une hausse de la satisfaction conjugale de 20 % chez les jeunes parents (Cf. https://nouvelles.umontreal.ca/article/2023/02/13/la-pleine-conscience-peut-elle-ameliorer-votre-couple/)

Cette corrélation confirme que plus l’attention portée à l’autre est consciente et lente, plus le couple en bénéficie. Intéressant, non ? En d'autres termes, la culture de la pleine conscience, source de satisfaction conjugale, reste sous-explorée et sous-exploitée chez les hommes. C'est à cet endroit-là que l'une des clés majeures est à chercher pour initier une transformation profonde au sein du couple. 

II. Pourquoi cet héritage culturel et éducatif freine l’écoute masculine ?

Trois mécanismes-clés : absence de modèle, renforcement sociétal, cercle vicieux

1. Absence de modèle d'écoute émotionnelle : peu de guides relationnels masculins valorisent l’écoute émotionnelle.

Dans les récits culturels, les figures masculines valorisées sont celles qui agissent, dominent ou résolvent, rarement celles qui écoutent, contiennent ou accueillent.
Par exemple, dans Gladiator, Batman, James Bond ou même Le Dîner de Cons, le héros masculin incarne un archétype solitaire, peu loquace et souvent coupé de ses affects. Si on prend 2 seconde pour y réfléchir, on voit bien que ce sont le silence ou l’action qui prime ; l’écoute émotionnelle est absente. La souffrance d’autrui est ignorée ou, au mieux, minimisée.

Selon l’analyse de Marie-Carmen Garcia (2018), sociologue à l’Université Lumière Lyon 2, "la culture populaire propose peu de figures masculines aptes à écouter l’émotion d’un autre sans se mettre en retrait ou en colère".

En outre, Hervé Le Nagard (2018) observe combien "les récits de virilité dans les films et les livres de jeunesse montrent très peu d’hommes dans des postures d’accueil émotionnel ou de questionnement relationnel". 

 

2. Renforcement sociétal : performance, action et contrôle sont populaires.

Dès l’école, et même encore en 2025, les garçons sont valorisés pour leurs résultats, leur capacité à prendre des décisions, à aller de l’avant. Les compétences relationnelles sont secondaires, voire stigmatisées.

Dans Le Loup de Wall Street, la réussite est incarnée par l’agressivité, la maîtrise du verbe pour dominer. L’émotion de l’autre est vue comme un obstacle à écraser, non un espace à accueillir.

Selon une étude de l’INED  de 2019, les garçons reçoivent 4 fois moins de commentaires pédagogiques liés à leurs émotions que les filles dans les classes de primaire en France. Ca laisse songeur ...

 

3. Cercle vicieux : si l’homme ne connaît pas l’écoute émotionnelle, il ne sait pas qu’il en est capable. Oui, cela paraît évident, mais il est fondamental de le spécifier.

Ne pas savoir écouter crée du conflit.

Le conflit génère du repli.

Le repli bloque la possibilité d’apprendre.

Et l’homme finit par croire qu’il n’est pas fait pour ça.

 

Dans le film Deux Moi (Cédric Klapisch, 2019), le personnage de Rémy incarne la figure masculine contemporaine en crise silencieuse. Trentenaire parisien, employé d’un service client, il vit seul, sans lien fort, sans cercle d’intimité, et surtout sans langage émotionnel. Il ne sait pas nommer ce qu’il ressent, ni le partager, ni demander de l’aide.

Au fil du récit, sa souffrance se manifeste par de l'irritabilité, de l'insomnie, une fatigue existentielle et une forme de dépression larvée – autant de signes cliniques typiques du mal-être masculin masqué, par ailleurs très bien décrits par Tisseron (2019) et Cyrulnik (2003).

Son incapacité à établir une communication authentique avec sa voisine Mélanie, elle aussi en souffrance, reflète le mur invisible que beaucoup d’hommes érigent face à la vulnérabilité :

  • Il voit, ressent, mais n’ose pas aller vers.
  • Il observe, mais n'écoute pas vraiment – ni l’autre, ni lui-même.

C’est seulement lorsqu’il entre en thérapie qu’un basculement s’opère. Alors pour la première fois, il est accueilli sans attente, écouté sans devoir performer, regardé sans être jugé. Et cette qualité de présence devient le catalyseur d’un début de transformation intérieure.

 

Plus globalement, cette problématique de la figure masculine contemporaine incarnée par Rémy est désormais bien analysée et documentée dans les travaux de recherches depuis plus de 2 décennies : 

  • Pour Pascale Molinier (2010) : "L’absence d’autorisation sociale pour les hommes à s’exprimer dans la vulnérabilité crée une forme de détresse muette."

  • Le chercheur Francis Dupuis-Déri (UQAM, 2018) montre d'ailleurs que les hommes évitent les dispositifs de santé mentale ou de thérapie car cela met en péril leur sentiment d’identité virile. Une étude de l’Université de Sherbrooke (2022) souligne même que 60 % des hommes interrogés avouent ne jamais avoir parlé de leur souffrance affective à un proche, par honte ou peur d’être jugés. Wahouuu ! 

Conséquence directe : en couple, lorsqu’un homme entend une parole émotionnelle de la femme, cela a de fortes chances de déclencher chez lui un sentiment d’intrusion ou d’attaque implicite car il n’a jamais appris à recevoir ce langage comme un cadeau, ni à distinguer l'émotion du reproche.

III. Quand écouter déclenche la défense

Ou pourquoi l’émotion de l’autre active une alarme… au lieu d’ouvrir une porte

En séance de thérapie de couple, ce moment revient souvent : 

Elle dit : "Je me sens seule dans cette relation."

→ entendue comme : "Tu es nul" ; "Tu n’es pas un homme" ; "Tu es un mauvais mari / compagnon". 

Et lui de lui répondre, parfois avec sincérité, souvent avec crispation : "mais je suis là, je ne te trompe pas, je travaille pour nous. Que veux-tu de plus ".

En fait, le point de tension n'est pas là où l'homme l'entend. Ce qu’elle attend, ce n’est pas une explication. C’est une présence émotionnelle. En fait, ce qu’elle exprime est un appel au lien, un langage du vivant.

 

Mais pour beaucoup d’hommes, écouter une plainte ou une détresse revient à se sentir remis en cause dans leur identité.

Comme si entendre la douleur de l’autre remettait en jeu leur valeur, leur loyauté, leur amour même.

 

Ce décalage est un classique dans les thérapies de couple. Il s’explique par trois facteurs :

1. 1ère cause : l’écoute perçue comme un reproche

Cette perception est souvent automatique, ancrée dans l’enfance :

  • Quand un parent disait : “Tu aurais pu mieux faire”
  • Quand les émotions étaient associées à une “faiblesse”
  • Quand la reconnaissance passait uniquement par la réussite

Les hommes ont peu appris à nommer, nuancer, contenir les émotions. Donc toute charge émotionnelle est perçue comme un danger ou un reproche.

Par ailleurs, les neurosciences nous éclairent bien sur ce phénomène : le cerveau limbique réagit alors non pas à ce que l’autre dit, mais à ce que ça active comme blessure préexistante.

2. 2ème cause : les mécanismes de défense automatiques

La culture viriliste rend la réceptivité suspecte. L’écoute devient faiblesse. "Un vrai homme, ça ne se laisse pas marcher dessus." D’après une recherche du Centre de Psychologie Conjugale de l’Université Laval (2021), les mécanismes masculins les plus fréquents en réponse à la parole émotionnelle sont :

 

Réactions défensives masculines et alternatives 

Réaction défensive

Réplique typique

Reformulation thérapeutique

Alternative relationnelle proposée

Justification immédiate (62%)

Tenter de démontrer qu’on a "fait de son mieux"

Mais j’ai fait ce que je pouvais, je te jure.

Je fais tout pour toi. 

T'as eu une mauvaise journée, c'est pour ça que tu réagit comme ça. 

Tu ressens que tu dois te justifier pour exister.

Je peux entendre que tu souffres, même si j’ai essayé.

Contre-attaque (49%)

Reprocher à l’autre son insatisfaction ou sa "mauvaise foi"

Et toi, tu fais tu fais des efforts peut-être ?

Et moi, tu crois que je vais bien peut-être ? 

Tu rediriges la douleur pour éviter de l’accueillir.

Je me sens attaqué, mais je veux comprendre ce que tu vis.

Rationalisation (46%)

Réduire l’émotion à une "exagération", "hormones", humour, déni, ou "drame inutile

T’exagères, c’est pas si grave.

Bon, on palabre ou on se regarde un film ?

"Casse-c*******"

Tu diminues ce qui est trop intense pour toi.

Je ne comprends pas encore tout, mais ton émotion est légitime.

Repli ou mutisme (41%)

Cesser de parler, s’isoler ou quitter la conversation

(réaction vagale dorsale : gel, silence, retrait)

(Silence, fuite ou "Tu m’énerves…")

Tu t’éloignes pour ne pas exploser ou t’effondrer.

Je prends un temps pour respirer, mais je reviendrai vers toi dans quelques minutes

 

Ce tableau pourrait donner l’impression de stigmatiser les hommes.
➡︎ Ce n’est pas une étiquette, mais une invitation à la transformation. Le but est d’ouvrir des pistes de conscience et de changement pour sortir des mécanismes défensifs et renouer avec une écoute plus incarnée.

Ces réactions ne sont pas des clichés genrés.
➡︎ Les réponses présentées ici sont issues d’observations cliniques majoritairement masculines, mais elles peuvent se retrouver chez tout être humain confronté à la peur relationnelle. Ce n’est pas une généralisation, mais une mise en lumière de tendances fréquentes.

Où sont les blessures derrière ces réactions ?
➡︎ Ce tableau n’est qu’un point d’entrée. Derrière chaque réflexe se cache une vulnérabilité, souvent invisible. Le travail thérapeutique consiste justement à aller à la rencontre de cette histoire enfouie, de ce besoin non reconnu, pour le transformer en puissance de lien.

Un peu comme s'il s'agissait d'un une faille de traduction relationnelle ...

  • Une recherche menée à l’UQTR (Bouchard et Tremblay, 2022) sur 135 couples hétérosexuels montre que 72 % des hommes activent au moins deux mécanismes de défense majeurs en moins de 90 secondes lorsque leur partenaire exprime une plainte émotionnelle.

  • Selon une étude de l’UCLouvain (Roskam, 2020), 64 % des hommes interrogés dans un contexte de thérapie de couple disent avoir interprété une plainte affective "comme une remise en cause de leur valeur ou de leur loyauté." En fait, la souffrance exprimée par l’autre réactive une mémoire émotionnelle implicite :"si elle souffre, c’est que je suis en faute", "donc je dois me défendre sinon je vais être écrasé."

  • Le laboratoire de psychologie de l’attachement de l’Université de Genève (2021) a observé que les hommes avec un attachement évitant ou désorganisé activent préférentiellement le shut down et la fuite cognitive, tandis que ceux à attachement anxieux activent plutôt la contre-attaque ou la rationalisation.

 

Si tu veux aller plus loin, je te propose 7 exercices thérapeutiques et introspectifs dans mon guide gratuit. 

Envoie-moi un message dans ce sens sur : http:// https://www.neosoi.fr/contact-neosoi-pessac

 

Un autre angle de vue : l'approche psychosomatique et polyvagale qui nous montre combien la lecture de l'émotion de l'autre est biaisée. Selon les apports de la théorie polyvagale (Porges, 2011), une personne qui n’a pas développé une régulation affective sûre va percevoir tout signal émotionnel fort comme une alarme et non comme une opportunité de connexion. Par exemple, l’expression de tristesse ou de colère de l’autre active le système nerveux sympathique (fuite, lutte, figement).

Et en termes de régulation corporelle, on voit bien que :

  • La rationalisation est une réaction du cortex préfrontal pour éviter l’activation limbique.

  • Le repli / mutisme correspond à une activation du nerf vague dorsal, typique des états de sidération, selon la théorie polyvagale de Stephen Porges. En d'autres termes, cela signifie que l’homme n’écoute pas depuis une posture de lien, mais depuis un système nerveux déréglé par l’alerte intérieure.

  • L’attaque ou contre-attaque est corrélée à une montée en charge sympathique (adrénaline, cortisol) qui cherche à rétablir un contrôle perçu comme perdu.

En lien avec tout ce que nous venons d'évoquer, Jean Decety (Université de Lyon) montre dans ses recherches en neurosciences affectives que les hommes socialisés à "tenir bon" développent une hypoactivité de l’insula (zone de traitement de l’interoception et de l’empathie viscérale) lorsqu’ils sont exposés aux émotions fortes de leur partenaire.

3. 3ème cause : le piège de la "bonne volonté" chez les hommes

Quand le "je fais tout pour toi" empêche d’entendre ce que l’autre vit 

 

En thérapie de couple, ce moment quasi incontournable, revient comme un refrain :

"Je fais tout pour elle/lui, je ne comprends pas pourquoi ça ne suffit pas." 

Et de l’autre côté :

"Il ou elle fait des choses, mais ne m’écoute pas. Je ne me sens pas rejoint·e / entendu.e."

Nous sommes là dans un paradoxe relationnel puissant : une personne pense aimer à travers ce qu’elle fait, tandis que l’autre souffre de ne pas être rencontrée dans ce qu’elle vit.

C’est ce que j’appelle le piège de la bonne volonté.

Une posture dans laquelle l’un des partenaires croit donner...

mais donne autre chose que ce dont l’autre a besoin.

 

Cette phrase incarne un paradoxe puissant en ce qui concerne les hommes : 

Les hommes se battent dans le monde extérieur (travail, logistique, loyauté), mais n’ont pas appris à se rendre disponibles dans l’univers intérieur de l’autre.

 

 

La bonne volonté : un refuge et un écran

Faisons un petit détour par les représentations qui forgent nos comportements stéréotypés. Pour beaucoup d’hommes, "être un bon compagnon" / "mari" signifie :

  • travailler pour le foyer,

  • être fidèle,

  • s’occuper des enfants,

  • assumer les responsabilités matérielles,

  • éviter les conflits.

Ils pensent alors que leurs efforts devraient parler pour eux. Et lorsque leur partenaire verbalise un besoin émotionnel ou une souffrance relationnelle, cela crée un effet de trahison interne :

“Avec tout ce que je fais, elle n’est toujours pas satisfaite. Donc c’est moi le problème.”

La réaction est immédiate : frustration, fermeture, fatigue, etc. Les recherches nous éclairent sur ce processus puissant : 

  • Une étude de L'Université de Montréal, 2021 montre que 71 % des hommes interrogés dans des couples en crise déclarent "ne pas comprendre ce qu’on leur reproche", malgré leur sentiment d’avoir "tout donné".

  • L'Observatoire des réalités familiales du Québec (Bourassa, 2020) identifie la dissociation entre "faire" et "être en lien" comme un facteur aggravant des conflits silencieux. Cela veut dire quoi ? En fait, les études montrent que "le sentiment d’être un ‘bon conjoint’ n’est pas toujours relié à une perception de satisfaction affective de la part du partenaire."

  • Marie Michon (2022), en analysant la charge émotionnelle des hommes, note que "la plupart des hommes ont des émotions une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition des émotions."

 

 

Pourquoi cette posture est une défense… et pas une présence

"Faire des choses" pour l’autre est valorisé dans notre culture comme preuve d’amour. Mais sur le plan psychique, cela peut aussi être :

  • un refuge pour éviter la proximité émotionnelle,

  • une manière de conserver une position contrôlante,

  • une stratégie d’évitement de la vulnérabilité.

Pascale Molinier (2010) écrit d'ailleurs à ce sujet :

"Chez certains hommes, l’investissement dans la tâche relationnelle (offrir, organiser, assumer) masque une grande pauvreté dans l’écoute émotionnelle — voire même une peur archaïque d’être jugé insuffisant."

Autrement dit : l'homme fait pour éviter de ressentir. 

✦ C'est le cas de Karim, 44 ans, cadre supérieur, père d'une jeune ado :
"Je fais les courses, j’emmène ma fille à l'école, je réserve pour des week-ends... Et elle me dit encore qu’elle ne se sent pas aimée." Et lors de la seconde séance en thérapie de couple, il découvre que sa femme n’attendait pas de lui des actes supplémentaires, mais une présence émotionnelle : une vraie écoute sans conseils, un regard qui accueille, pas qui planifie. Et soudainement, Karim prends conscience de ce qui se joue : "je me rends compte que je fais beaucoup... pour ne pas avoir à me sentir impuissant."

 

Le lien amoureux est nourri moins par ce qu’on fait, que par la façon dont on est là quand l’autre souffre.

4. 4ème cause : les blessures invisibles liées à l'enfance qui paralysent le lien et l'écoute

Écouter, c’est se laisser affecter.

C’est ne plus avoir le contrôle.

C’est permettre à ce que l’autre ressent de nous toucher, nous traverser, nous déplacer.

Mais cela suppose que je sois moi-même capable de me laisser traverser.

Les trois blessures émotionnelles les plus fréquentes chez les hommes

Quand l’émotion de l’autre appuie là où ça n’a jamais été pansé chez soi ... La plupart du temps, le partenaire ne se retire pas parce qu’il s’en fout. Il se retire ou se fige parce qu’il ne sait pas comment rester. Il ne se ferme pas parce qu’il est froid, mais parce qu’il n’a pas appris à être en lien avec sa propre vulnérabilité. 

Derrière chaque homme qui n’écoute pas vraiment, il y a surtout un enfant qui n’a pas été écouté.


Et cette mémoire – émotionnelle, corporelle voire transgénérationnelle – se rejoue dans l’intimité du lien amoureux, souvent sans qu’il en ait conscience.

 

a) La blessure d’humiliation

Selon les travaux de Jean-Pierre Lebrun, cette blessure crée une honte de l’émotion : pleurer, avoir peur ou douter devient insupportable… chez soi comme chez l’autre. Cette blessure est souvent transmise par des figures parentales autoritaires ou humiliantes :

“T’es trop sensible.” / “Arrête de pleurnicher comme une fille.” / “Sois un homme, pas une mauviette.”

Aussi, dès qu’une femme pleure ou exprime une plainte, cela réactive l’humiliation d’avoir été émotionnel à un moment et d’avoir été moqué ou nié.

 

b) La blessure d’impuissance

"Je ne sais pas quoi faire." / "Je ne comprends pas ce qu’elle attend de moi." Cette impuissance est vécue comme insupportable pour le système narcissique masculin.

Une étude menée à l’UQAC (Tremblay, 2022) sur plus de 120 hommes en thérapie de couple révèle que près de 70 % identifient "la peur de ne pas être à la hauteur" comme leur déclencheur principal de fermeture." Mais au lieu de dire "je ne sais pas comment t’aider", les hommes se cette étude se taisent, s’énervent ou fuient.

 

c) La blessure d’indifférence / négligence affective

Dans son ouvrage "Les relations de couple : constitution et évolution", Nicolas Favez (2013) explique que l’empreinte de négligence affective engendre, à l’âge adulte, une impossibilité à se sentir légitime dans le lien émotionnel, donc à accueillir la douleur de l’autre.

Des hommes élevés par des mères débordées, des pères absents ou froids, des environnements où la survie relationnelle se faisait en apprenant à ne rien demander ont intégré très tôt ces messages : "ne ressens pas trop / Ne t’attache pas trop / Ne crois pas que ta douleur va intéresser quelqu’un."

 

Dès lors, on comprend bien comment un cercle vicieux va s’installer au sein du couple :

  1. Elle parle ➝ Il se sent jugé

  2. Il se défend ➝ Elle se sent ignorée

  3. Elle insiste ➝ Il se ferme davantage

  4. Elle explose ➝ Il s’éloigne encore

Et chacun en vient à souffrir non pas de ce que l’autre fait, mais de ce qu’il n’arrive pas à entendre. Dans une enquête longitudinale menée par l’Observatoire francophone des conflits conjugaux (2021), ce type de cycle est présent dans 87 % des couples en détresse émotionnelle, avec un pic entre 3 et 8 ans de vie commune.

 

Tu veux explorer ta blessure principale et comment elle te coupe de l’écoute ? Reçois l’exercice guidé :
"Qu’est-ce que j’entends quand tu me parles ?" – 12 questions pour identifier ta réaction défensive typique.

Envoie-moi un message dans ce sens sur : http:// https://www.neosoi.fr/contact-neosoi-pessac

IV. Transformer son écoute : les 4 clés pour réapprendre

Comme nous venons de le voir, l’écoute émotionnelle ne tombe pas du ciel. Elle n’est pas innée, elle est apprise. C'est même tout un art.  Et pour beaucoup d’hommes, elle n’a jamais été transmise.

Mais ce n’est pas une fatalité. C’est une compétence relationnelle qui se cultive. Avec le bon cadre, le bon rythme, les bons outils, il est possible de réapprendre à écouter…
sans se sentir jugé
sans avoir besoin de réparer
et sans perdre sa valeur dans l’émotion de l’autre

Comment passer de la réaction défensive à une présence consciente dans le lien

Clé n°1 : Passer de la réaction à la présence

"Quand elle parle, mon réflexe est de répondre, me défendre, me justifier. Mais si je me tais, je me sens vulnérable…"

C’est précisément là que commence l’écoute incarnée.

Objectif thérapeutique : stabiliser le système nerveux avant de répondre.

Selon la Haute Autorité de Santé (HAS, 2021), la présence silencieuse, si elle est régulée (posture ouverte, respiration calme), augmente de 47 % la perception de sécurité chez le partenaire. Ca vaut le coup d'apprendre non ? 

Pratique concrète :

Avant de répondre à une parole difficile,
– Inspire lentement 4 secondes
– Expire 6 secondes
– Pose ta main sur ton cœur
– Regarde l’autre… et reste 10 secondes silencieux

Tu passes ainsi du réflexe au lien. Du mental défensif à l’écoute incarnée.

Clé n°2 : Accueillir l’émotion sans intervenir

"Tu n’as pas besoin de me réparer. Tu as juste besoin de me ressentir."

Dans le modèle patriarcal, écouter = résoudre.
Dans le modèle relationnel conscient, écouter = contenir.

Dans son ouvrage " La Crise de la masculinité. Autopsie d'un mythe tenace (2022)", Francis Dupuis-Déri montre que l’envie de réparer est souvent une défense contre la propre impuissance de l’homme à ressentir. Intéressant, non ? 

Pratique relationnelle :

  • Laisse l’autre exprimer jusqu’au bout sans couper.

  • Puis dis :

"Je t’ai entendu dire que tu te sens…"
"Et j’imagine que c’est douloureux."

  • Termine par :

"Est-ce que tu veux que je réponde, ou que je sois juste là avec toi ?"

Cette simple question transforme l’échange en espace de soin mutuel. C'est nécessaire, mais pas suffisant, cela va sans dire. 

Clé n°3 : Nommer la peur au lieu de la jouer

"Quand tu me parles comme ça, j’ai peur d’être jugé. Et pourtant je veux rester."

Objectif : désamorcer la posture défensive en rendant visible le ressenti intérieur.

Les travaux de Roskam (UCLouvain, 2020) montrent que la capacité à verbaliser la honte, la peur ou l’impuissance permet de restaurer une alliance de couple, même après des années de repli émotionnel.

 

Nommer ce qui se passe à l'intérieur de soi, ce n’est pas se soumettre.

C’est redevenir responsable de son monde intérieur.

Clé n°4 : S’outiller pour créer un cadre sécurisant

L’écoute ne peut s’installer que dans un espace contenant. Sans cadre, les vieux schémas reviennent très vite. Mais avec les bons outils, la régulation devient possible.

Quelques outils thérapeutiques incontournables :

1. Imago dialogue

  • Trois temps : miroir – validation – empathie

  • À utiliser avec un·e thérapeute, ou avec une fiche-guide.

 

2. Travail somatique (respiration / ancrage / EFT)

  • Pour éviter que l’écoute ne déclenche le système d’alerte traumatique.

 

3. Journal d’écoute consciente

  • Écrire après chaque échange :

    • Ce que j’ai entendu

    • Ce que j’ai ressenti

    • Ce que j’ai interprété

    • Ce que je veux répondre autrement

 

4. Groupes d’hommes ou cercles mixtes

  • Écouter d’autres vécus, pratiquer le "témoignage silencieux", restaurer un modèle relationnel par le vivant.

Les cercles d’écoute masculine consciente permettent une amélioration de la qualité relationnelle dans le couple à peine au bout de 6 mois.

Pour nous résumer :

  • L’écoute ne consiste pas à répondre vite, mais à rester avec ce que l’autre vit.
  • Elle nécessite une posture de régulation intérieure, une capacité à accueillir sans confondre avec une attaque.

  • Ces 4 clés sont des compétences émotionnelles à cultiver. Elles ne sont pas données. Mais elles peuvent s’apprendre, s’exercer, se ritualiser. Si tu veux un guide gratuit 

 

Écouter, c’est un art.
C’est aussi un choix d’amour actif.

V. Ce que ça change pour elle… et pour lui

L’écoute véritable, ce n’est pas un plus dans la relation amoureuse. C’est la base vivante même du lien.

Un homme qui apprend à écouter autrement :
– non seulement ne "perd" rien de sa puissance,
– mais accède à une puissance bien plus grande : celle d’entrer en lien sans se dissoudre, sans se défendre, sans fuir.

Et ce changement transforme profondément la dynamique du couple à 3 niveaux. 

 

1. Pour elle : la fin de la solitude affective

Elle n’a plus besoin de crier pour être entendue. Elle cesse de se sentir "trop" ou "pas assez" ou de croire qu’elle est la seule à porter la charge émotionnelle du couple. Résultat avant / après quelques séances de thérapie de couple : 

  • Avant : elle disait "Je me sens seule dans notre couple."
    → Il répondait "Tu exagères. Je suis là."

  • Après un travail sur l’écoute incarnée :
    → Il dit "Je sens que tu vis quelque chose de dur. Dis-moi en plus."

L’effet ? Elle se dépose. Elle ne s’enflamme plus. Le couple entre dans une co-régulation au lieu d’un bras de fer.

2. Pour lui : une nouvelle assise identitaire

Il ne vit plus l’émotion comme un test, mais comme une opportunité de lien.
Il découvre qu’il peut être fort dans la douceur, stable dans la tempête.

La capacité d’un homme à entendre les émotions de l’autre sans réaction défensive est l’un des 3 plus puissants prédicteurs de stabilité relationnelle après une crise.

Résultat avant / après quelques séances de thérapie de couple : 

  • Avant : il vivait chaque échange comme un combat.

  • Après : il développe une posture d’adulte stable, capable de différencier son ego blessé de sa présence affective.

Ce changement améliore aussi son bien-être global :

  • moins de stress chronique

  • meilleur sommeil

  • meilleure estime de soi

 

3. Pour le couple : une nouvelle qualité de lien

Ce changement produit trois grandes transformations durables dans la dynamique du couple :

a) Le conflit devient créatif

Avant : chaque tension déclenchait une fuite, une défense, une accusation.
Après : le conflit devient un lieu d’ajustement, d’écoute et d’évolution.

Guy Bodenmann (Université de Zurich, 2015) démontre que les couples capables d’une écoute active en période de tension sont 4 fois plus résilients face aux crises de vie (maladie, parentalité, séparation temporaire).

b) Le désir revient

Quand une femme se sent écoutée sans être recadrée ou interrompue,
– elle se détend dans le lien
– elle cesse d’être en vigilance
– et elle retrouve sa sensorialité

Étayé par les travaux de Thérèse Hargot (2020) sur la sexualité relationnelle, on pourrait dire que la qualité d’écoute est un aphrodisiaque bien plus puissant que les caresses mécaniques.

c) La sécurité affective s’installe

Plus besoin de jouer des rôles, de provoquer, de se blinder. L’écoute posée devient un pilier de la sécurité émotionnelle dans le couple.

 

4. Dans la durée : vers une nouvelle maturité relationnelle

"Je pensais qu’écouter, c’était me taire. Maintenant je sais que c’est être là, entier, sans me défendre."

Ce processus transforme le rapport à soi, au couple, à la masculinité.

 

L’homme n’est plus celui qui agit pour prouver. Il devient celui qui reste pour aimer.

Et cette posture fait de lui non pas un "homme déconstruit"… mais un homme reconstruit à partir de son humanité profonde.

Conclusion

(Ré)apprendre à écouter, c’est transformer le lien… et l’avenir du couple

Réapprendre à écouter, vraiment, c’est bien plus qu’une compétence relationnelle. C’est un acte d’amour. Un engagement. Un chemin de présence.

Car entendre l’autre dans sa douleur, sans se sentir remis en cause, c’est lui offrir un espace où il peut déposer ce qui pèse sans craindre d’être jugé, corrigé ou abandonné.
Et c’est aussi — pour celui qui écoute — une voie vers sa propre maturation affective, vers une puissance plus tranquille, plus enracinée.

L’écoute authentique transforme la dynamique du couple. Elle permet de passer de la réaction à la relation, du réflexe à la responsabilité.
Elle invite à une spiritualité incarnée, celle du "je te vois dans ce que tu vis, même si je n’ai pas toutes les réponses". Celle du cœur courageux, qui n’a pas besoin d’avoir raison pour être juste.

C’est une révolution intime. Et c’est peut-être le plus beau cadeau qu’un homme puisse faire à la relation : désapprendre les réflexes de protection, pour devenir un compagnon de vérité.

 

Chaque couple traverse des orages. Mais ceux qui apprennent à écouter sans se défendre, entendre sans s’effacer, créent un espace de croissance mutuelle inestimable.

Ce travail de transformation intérieure ne demande pas d’être "parfait", mais d’être disponible. D’oser regarder en soi ce qui empêche d’accueillir l’autre pleinement.

Réapprendre à écouter, c’est ouvrir la voie à une intimité vivante. C’est guérir les blessures d’attachement.
C’est faire du lien un lieu de spiritualité en action, où chacun peut devenir plus libre, plus vrai, plus aimant.

Et si c’était ça, le couple conscient :

non pas l’absence de conflit, mais la capacité d’y rester humain… ensemble.

NeoSoi - Dr Céline BERCION - psychologue sociale et systémique, thérapie de couple et sexothérapie - initiatrice des grandes traversées de vie

36 avenue Roger Cohé
33600 Pessac


Lire les commentaires (0)

Articles similaires


Soyez le premier à réagir

Envoyé !

Derniers articles

Et si la spiritualité était l’intelligence invisible du lien ?

19 Juin 2025
13 min.

Grandir en soutien invisible de ses parents : comprendre cette blessure d’enfance et la libérer pour réinventer sa sexualité et son couple

16 Juin 2025
8 min.

Pourquoi les hommes n’ont jamais appris à entendre… sans se sentir remis en question

16 Juin 2025
19 min.

Le syndrome de l’enfant parfait : comprendre ses racines, ses impacts dans le couple et la sexualité pour enfin trouver un chemin de libération

13 Juin 2025
9 min.

L’art d’accueillir le non : la marque d’un couple vivant et d’un masculin éveillé

09 Juin 2025
10 min.

Troubles de l’érection après 40 ans : comprendre le désir masculin et retrouver la puissance du lien

19 Mai 2025
9 min.

Catégories

Création et référencement du site par Simplébo

Connexion