Céline BERCION - Dr en Psychologie sociale et systémique
Psychothérapie
Thérapie de couple - Sexothérapie 
Initiatrice des grandes traversées de vie

Psychothérapie, thérapie de couple, sexothérapie et éveil de conscience

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Céline BERCION - Dr en Psychologie sociale et systémique
Psychothérapie
Thérapie de couple - Sexothérapie 
Initiatrice des grandes traversées de vie

Infidélité sexuelle, émotionnelle, numérique… Pourquoi la trahison amoureuse prend aujourd’hui tant de visages ?


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Un soir, Julien saisit machinalement le téléphone de Claire posé sur la table du salon. Il n’avait pas l’intention de fouiller. Mais l’écran s’allume : « Merci pour hier soir ». Son cœur s’emballe, ses mains deviennent moites. Il ouvre la conversation : des dizaines de messages avec un collègue, faits de confidences intimes, de clins d’œil complices et de petits cœurs / émojis. Pour Claire, "rien de grave, juste une amitié peut-être un peu proche". Pour Julien, une gifle silencieuse. Son corps comprend avant sa tête : il vient d’être trahi.

Et cette scène n’a rien d’exceptionnel. Selon une enquête IFOP (2020), un tiers des Français avouent avoir déjà été infidèles, et près d’un couple sur deux sera confronté un jour à une forme de trahison (Fincham & May, 2017). Mais aujourd’hui, l’infidélité n’a plus un seul visage. Elle peut se cacher dans un like, dans un message effacé, dans une double vie virtuelle. Comme le souligne le sociologue Jean-Claude Kaufmann (2014), "le couple se joue désormais autant dans les téléphones portables que dans les chambres à coucher".

La psychologue Esther Perel (2017) rappelle que l’infidélité est moins une question de sexe qu’une crise identitaire : "on ne cherche pas seulement un autre partenaire, on cherche un autre soi". Quant à Gwenaëlle Persiaux (2018) et Nicole Guédeney (2012), elles montrent que nos blessures d’attachement colorent notre rapport à la fidélité : certains exigent une transparence absolue, d’autres tolèrent une part de secret, oscillant entre désir de sécurité et besoin d’échappée.

L’infidélité n’est donc pas définie par l’acte lui-même, mais par ce qui est caché. Comme je peux l'entendre régulièrement au cabinet : "si tu avais couché avec lui mais en me le disant, j’aurais peut-être pardonné. Mais tu m’as menti. Et ça, je ne peux pas". Ce n’est pas tant le corps qui trompe : c’est le secret qui détruit.

Et cette douleur ne touche pas que les couples hétérosexuels : elle traverse aussi les unions homosexuelles, les jeunes de 20 ans comme les conjoints de 50 ans, chacun avec ses codes, ses attentes, ses seuils de tolérance. Parfois même, une infidélité réveille une mémoire plus ancienne : le souvenir d’un père volage, d’une mère humiliée, d’un couple parental fissuré. Car les trahisons se transmettent aussi à travers les générations, silencieusement, comme des cicatrices invisibles.

L’infidélité n’est donc pas seulement une histoire intime. Elle est aussi le reflet d’une époque marquée par l’individualisme, l’immédiateté numérique et la fragilité des engagements durables. Derrière chaque trahison, il y a moins une histoire de sexe qu’une histoire de société, de blessures et de loyautés invisibles. C’est cette fissure (intime, sociale et transgénérationnelle) que nous allons éclairer.

I. Fidélité aujourd’hui : un choix conscient, pas une abstinence imposée

Dans les années 1950, une enquête IFOP révélait que plus de la moitié des hommes français considéraient normal d’avoir une maîtresse occasionnelle, tandis que la moindre incartade féminine était jugée impardonnable. La fidélité n’était pas une affaire de choix mutuel : c’était une norme sociale asymétrique, imposée de l’extérieur, avec un double standard genré. Le mariage tenait lieu de contrat : tant que le corps "restait à la maison", la façade familiale était sauve.

Aujourd’hui, le paysage a radicalement changé. Dans nos sociétés occidentales, marquées par l’individualisme et l’hyperconnexion, la fidélité n’est plus imposée par une autorité religieuse ou communautaire : elle devient un pacte intime à réinventer dans chaque couple. Mais ailleurs dans le monde, dans certaines cultures où la religion ou la famille jouent encore un rôle central, la fidélité reste codifiée, régie par l’honneur ou la tradition. Cette diversité rappelle que la fidélité n’a jamais une seule définition : elle est un produit culturel autant qu’un choix personnel.

Le sociologue Jean-Claude Kaufmann (2014) le résume avec force : "le téléphone portable est devenu le nouveau lit conjugal". Désormais, ce n’est plus l’hôtel discret qui inquiète, mais la petite lumière bleue d’une notification tardive, le like répété sur une photo ambiguë, ou le temps consacré chaque soir à des conversations virtuelles.

Dans mon cabinet, un homme me confiait qu’il passait près d'une heure par soir sur Messenger avec une "amie proche". Sa compagne l’attendait seule, le plateau-repas refroidissant devant une série qu’elle ne regardait même pas. Pour lui, ce n’était "rien de grave". Pour elle, c’était une trahison invisible : il offrait son attention ailleurs.

À l’inverse, une femme m’a raconté avoir noué une relation affective intense avec un collègue, échangeant des textos et des confidences quotidiennes. Elle n’avait "rien fait physiquement", répétait-elle. Pourtant, son conjoint s’est senti exclu, comme remplacé dans le rôle d’intime.

Ces deux histoires illustrent la même blessure : la fidélité ne se mesure pas qu’au corps, mais à l’énergie émotionnelle investie.

C’est ici que l’attachement éclaire les différences. Gwenaëlle Persiaux (2018) et Nicole Guédeney (2012) montrent que : 

  • Les personnes à attachement anxieux interprètent chaque silence comme une menace d’abandon : un simple retard de réponse sur WhatsApp devient une preuve de trahison.
  • À l’inverse, les évitants considèrent qu’un couple peut rester solide sans échanges constants : pour eux, une absence de nouvelles n’est pas une infidélité.

Comme on peut le voir, le décalage est immense : ce qui blesse l’un laisse l’autre indifférent.

La psychologue Esther Perel (2017) rappelle que la fidélité n’est pas une absence de désir extérieur (illusion dangereuse) mais la capacité à ne pas transformer ce désir en secret.

 

La fidélité moderne est un paradoxe :

reconnaître qu’on peut être attiré ailleurs tout en choisissant de protéger l’espace du couple.

 

Dans mon expérience, la fidélité se révèle moins comme une interdiction que comme une discipline de vérité. Ceux qui avancent ne sont pas ceux qui ne désirent jamais ailleurs, mais ceux qui savent en parler. Fidélité, ici, n’est pas seulement un engagement relationnel : c’est aussi une pratique symbolique et spirituelle. Être fidèle, c’est décider chaque jour de nourrir l’espace sacré du lien plutôt que d’y introduire le secret.

II. Quand le corps se détourne : l’infidélité sexuelle

L’infidélité sexuelle reste la représentation la plus "classique" de la trahison amoureuse. Elle est presque archétypale : un baiser volé, une nuit d’hôtel suite à une rencontre sur une appli. Selon l’IFOP (2022), un tiers des Français (33 %) déclarent avoir déjà trompé leur partenaire, un chiffre qui grimpe à 46 % aux États-Unis (Pew Research, 2021). L’acte sexuel adultère traverse donc les cultures, mais son interprétation et ses effets restent singulièrement situés.

 

Quand la chair devient blessure narcissique

Pour Myrtille, découvrir que Julien avait eu une aventure de quelques soirs fut une véritable sidération. Son corps s’est effondré : cœur glacé, ventre noué, insomnie. C'est ce que Boris Cyrulnik (2009) décrit comme une "blessure narcissique" : l’impression soudaine de ne plus être suffisante, aimable, désirable.

À l’inverse, Julien s’est défendu ainsi : "ce n’était que du sexe, ça ne veut rien dire. Je ne t’ai pas quittée".
Ce décalage illustre ce que Jean-Claude Kaufmann (2010) appelle la différence de sens donné au sexe : pour certaines femmes, le corps engage l’âme ; pour beaucoup d’hommes, il peut rester compartimenté.

Cette incompréhension nourrit ce que Esther Perel (2017) décrit comme le paradoxe moderne : l’infidélité n’est plus seulement transgression charnelle, mais une crise existentielle qui questionne l’amour, la loyauté et la définition même du couple.

 

Quand le système nerveux encaisse le choc

La théorie polyvagale (Porges, 2017) aide à comprendre la réaction corporelle. Face à la découverte, l’organisme bascule parfois en inhibition vagale dorsale : sidération, perte de désir, anesthésie émotionnelle. D’autres entrent au contraire en hyper-activation : jalousie compulsive, insomnie, pulsions de contrôle.

Julien, lui, vivait une forme de dissociation :
"Je me suis senti vivant avec elle, sur le moment, mais honteux en rentrant. Alors je recommençais pour ne pas sentir la honte.” Ce cycle excitation / culpabilité correspond aux compulsions sexuelles décrites par Meston & Buss (2009).

 

Quand l’histoire familiale rejoue ses fantômes

L’infidélité n’est jamais seulement un événement présent : elle active les loyautés invisibles (Boszormenyi-Nagy, 1987). Claire a vu sa mère souffrir des maîtresses de son père. En découvrant Julien, elle ne vivait pas seulement une blessure, mais rejouait un scénario transgénérationnel. René Kaës (2014) rappelle que le couple est traversé par ces transmissions silencieuses : ce qui n’a pas été dit dans une génération s’exprime dans la suivante.

Quand la société nourrit le passage à l’acte

En psychologie sociale, l’infidélité sexuelle s’éclaire aussi par son contexte. Les applis de rencontre comme Tinder ou Gleeden renforcent l’idée d’un marché relationnel illimité. La norme implicite d’internalité (Beauvois & Dubois, 1988) pousse souvent la personne trompée à se culpabiliser : "Si i.el m’a trompé.e, c’est que je n’ai pas su retenir". Et les scripts sociaux, encore genrés, continuent d’encourager la virilité "multiplicatrice" chez l’homme et la fidélité sacrificielle chez la femme (Chollet, 2018).

 

Quand la sexothérapie ouvre une voie de réparation

Dans l’accompagnement, il ne s’agit pas seulement de comprendre, mais de réparer le lien charnel. Au-delà de la thérapie de couple, il s'agit aussi de mettre en place un cadre, des rituels pour retisser de la sécurité ainsi qu'une parole érotique (Del Vecchio, 2021) pour réintroduire la vérité dans la chambre : dire ce qui a manqué, ce qui a été tu, ce qui peut renaître. Les outils en sexothérapie ne manquent pas.

 

Quand la conscience s’élargit

Dans certains ateliers de respiration holotropique, des personnes revivent l’effondrement corporel de la trahison comme une mort symbolique. Mais au cœur de l’expérience surgit aussi une renaissance : reprendre son corps comme territoire sacré, indépendamment de la validation de l’autre. L’infidélité, aussi dévastatrice soit-elle, peut devenir une porte initiatique vers la souveraineté intérieure. C'est aussi à cela que servent les ateliers que je propose (voir les ateliers à venir : https://www.neosoi.fr/atelier-et-retraites-bordeaux). 

 

En bref : l’infidélité sexuelle, c’est…

  • un passage à l’acte corporel qui bouleverse l’âme ;

  • une réaction neurophysiologique aussi forte qu’un trauma ;

  • une réactivation des transmissions familiales invisibles ;

  • un produit de normes sociales encore inégalitaires ;

  • un appel à transformer le couple… ou à se transformer soi.

 

Mais parfois, sans qu’aucune peau n’ait été touchée, la blessure est encore plus profonde. Car ce n’est pas le corps qui trahit… mais le cœur.

III. Infidélité émotionnelle : quand le cœur déserte avant le corps

On croit souvent que seule la sexualité peut briser un couple. Pourtant, l’expérience clinique et les données de recherche montrent que l’infidélité émotionnelle provoque une blessure tout aussi (voire plus) profonde que l’aventure physique.
Selon l’IFOP (2022), 54 % des femmes déclarent qu’elles souffriraient davantage de savoir leur partenaire amoureux d’une autre personne que de le savoir impliqué dans une relation sexuelle sans affect. À l’inverse, 47 % des hommes continuent d’identifier l’infidélité sexuelle comme la plus douloureuse (voir aussi Jeanfrebu, 2018). Ce clivage de genre, bien qu’en évolution, éclaire la hiérarchie implicite des trahisons.

 

Quand l’attachement vacille

En termes cliniques, l’infidélité émotionnelle touche directement au système d’attachement (Bowlby, Guédeney, Persiaux). Elle active les blessures archaïques de rejet, d’abandon ou de non-sécurité.
Exemple : Mariève découvre que Loïc échange chaque soir avec une collègue, lui confie ses doutes, ses rêves, ses angoisses. Il n’y a pas eu de corps, mais Sophie ressent une trahison plus cuisante encore : "Il lui donne ce que je n’ai plus, à commncer par du temps et de l'attention".

À cet instant, Mariève ressent une trahison plus cuisante qu’une aventure d’un soir. Plus qu’un corps, c’est son intimité qu’on lui vole. Chaque vibration de portable devient un coup de poignard.

Le corps réagit immédiatement. La théorie polyvagale (Porges, 2017) aide à comprendre que cette blessure entraîne une hypervigilance : insomnies, boule dans l’estomac, palpitations. L’infidélité émotionnelle agit comme un trauma relationnel : le nerf vague dorsal fige, le nerf sympathique s’emballe → résultat : anxiété, perte de désir, voire blocages sexuels.

 

Les différences de genre : une lecture critique

De nombreuses recherches (Jeanfrebu, IFOP, Pew Research) montrent que les femmes sont plus affectées par l’infidélité émotionnelle, tandis que les hommes déclarent souffrir davantage de l’infidélité sexuelle. Mais ces résultats doivent être nuancés.

Les femmes, historiquement assignées au care affectif (Molinier, 2013), investissent l’émotion comme preuve de l’engagement amoureux.
Les hommes, socialisés dans des scripts sexuels de virilité (Castelain-Meunier, 2011), associent leur valeur à l’exclusivité corporelle.

Ces normes de genre créent une asymétrie émotionnelle invisible : ce n’est pas seulement une affaire de ressenti personnel, mais de scripts sociaux incorporés.

 

Voix intérieures : double monologue

Mariève (trompée) : "Il me vole mon intimité. Je ne compte plus. Si elle le connaît mieux que moi, alors qui suis-je encore pour lui ?"

Loïc (infidèle) : "Je n’ai rien fait de mal. Je n’ai pas couché avec elle. Mais avec Mariève, tout tourne au conflit… là au moins, je peux être moi-même, sans prise de tête".

Ces voix montrent que l’infidélité émotionnelle n’est pas une question de faits objectifs, mais de sens subjectif attribué au lien. On ne souffre pas de la même blessure parce qu’on ne nous a pas appris à aimer de la même manière.

Quand le sexe s'éteint

Le champ de la sexologie (Masters & Johnson ; Crépault, 2010 ; Nagoski, 2018) souligne que l’insécurité émotionnelle entraîne une baisse d’ocytocine et une hausse du cortisol.

Résultat : la détente nécessaire au plaisir s’effondre, l’érotisme devient plus fragile, le désir se replie.
L'éjaculation précoce est un bel exemple dans ce cas : le corps traduit une impossibilité à "tenir" symboliquement la relation...

 

Transmissions invisibles

L’infidélité émotionnelle réveille aussi des loyautés transgénérationnelles (Schützenberger, 1998). Comme si le pacte silencieux d’une grand-mère trompée ou d’un père délaissé resurgissait dans le présent. Dans ma clinique systémique, je vois souvent que ces échos transgénérationnels amplifient la douleur, comme si chaque infidélité actuelle portait le poids de plusieurs générations.


La zone grise de l’infidélité

L’infidélité émotionnelle n’est pas toujours claire. Voici trois questions-clés pour évaluer si une relation parallèle bascule dans l’infidélité :

  • Est-ce que je partagerais ces échanges devant mon/ma partenaire ?

  • Est-ce que j’y trouve un apaisement que je ne cherche plus dans mon couple ?

  • Est-ce que je ressens le besoin de cacher (ou minimiser, ce qui est encore plus pernicieux) ce lien ?

Quand deux de ces réponses sont "oui", on entre bel et bien dans une zone d’infidélité émotionnelle, même sans passage à l’acte.

 

En bref : L’infidélité émotionnelle, c’est…

  • Une trahison sans passage à l’acte physique mais souvent plus douloureuse.

  • Une atteinte directe au système d’attachement.

  • Un déclencheur de symptômes psychosomatiques (polyvagal, anxiété, blocages sexuels).

  • Une question de scripts sociaux et de transmissions invisibles, pas seulement de "sensibilité personnelle".

  • Parfois, un lien maintenu avec l’ex qui agit comme un fantôme du couple.

  • Une crise qui, si elle est accompagnée, peut ouvrir un travail de réinvention du lien.

III bis. L’infidélité émotionnelle avec un.e ex : une zone grise souvent minimisée

L'ex : une fidélité au passé, une infidélité au présent ? 

Contrairement à ce que l’on pense, l’ex ne disparaît jamais totalement. I.el peut même rester une figure souterraine, à la fois mémoire affective, miroir identitaire et réservoir d’intimité. Il est utile de nuancer le fait que maintenir une proximité émotionnelle voire sexuelle avec un.e ancien.e partenaire n’est pas forcément un acte "conscient et volontaire" de trahison : c’est plus souvent l’expression d’une loyauté invisible (Boszormenyi-Nagy). Une sorte de dette psychique envers celui ou celle qu’on a quitté, ou une difficulté à clore le chapitre. Regardons cela de plus près. 

 

Les fonctions psychiques de l’ex

  • L’ex-réparateur : il apaise une culpabilité de séparation ou une dette morale. Garder un contact devient une manière de "réparer le mal" infligé. Le lien avec l’ancien.e partenaire n’est pas nourri par le désir, mais par la culpabilité d'avoir rompu. Comme si l’on devait panser la blessure laissée derrière soi pour avoir le droit d’aimer de nouveau.

Fonction inconsciente : maintenir l’autre "à flot" permet de soulager sa propre image narcissique ("je ne suis pas une mauvaise personne, j’ai fait souffrir mais je reste une personne bienveillant·e"). L'idéal du moi est mis à rude épreuve et doit être sauvegardé, quoi qu'il en coûte. 

Risque systémique :

  • pour l’ex : ça entretient un espoir latent ou une dépendance affective, surtout si l’autre n’a pas encore tourné la page ;

  • pour le nouveau couple : c’est une culpabilité déplacée qui parasite la pleine disponibilité émotionnelle au partenaire actuel.

  • garder ce lien, c’est maintenir un triangle relationnel qui empêche le couple de se stabiliser.

Quand le lien avec l’ex devient l’amant fantôme du couple

Mais allons plus loin. Ce lien est loin d'être neutre : il agit comme un fantôme conjugal, un mort-vivant qui dort dans le lit du couple actuel. En symbolique, c’est refuser le deuil : l’ex reste le mort non enterré. L'ex se trouve ainsi dans le nouveau couple, du fait que le partenaire partage son ex avec sa propre culpabilité : un trio de choc ! A ce sujet, Shirley Glass dirait que c’est "une frontière violée".

 

  • L’ex-doudou : l’ex devient un refuge émotionnel en cas de crise conjugale.

 

  • L’ex-nostalgique : il maintient vivante une identité passée. Ici, la mémoire amoureuse (Kaufmann, 2014) agit comme un ancrage temporel : aimer l’ex, c’est se rappeler qui on était "avant".

 

Attachement et loyautés transgénérationnelles

Les travaux de Bowlby (1980), Ainsworth et Persiaux (2017) montrent que le maintien du lien avec un ex est souvent corrélé à un attachement insécure.

  • Dans l’attachement anxieux, l’ex reste une "bouée" pour apaiser la peur de la solitude (c'est "l'ex doudou").

  • Dans l’attachement évitant, l’ex devient un espace de respiration face aux contraintes conjugales (c'est "l'ex ami et confident").

À un autre niveau, ces fidélités sont transgénérationnelles (Schützenberger, 1998). La répétition se tisse : un père qui n’a jamais coupé avec son premier amour, une mère qui entretenait une relation clandestine, une grand-mère restée "loyale" à un mari absent. Dans la clinique systémique, ces fantômes amoureux sculptent véritablement les attentes inconscientes. 

Aspect / Configuration

Quand c’est une ressource (clair)

Quand c’est une zone grise (ambigu)

Quand c’est une trahison (caché / envahissant)

Clarté / Transparence

Ex-ressource : tout est transparent, l’ex est connu, reconnu.

Ex-doudou : échanges fréquents mais pas toujours assumés.

Secret total : confidences ou rencontres dissimulées, double vie affective.

Rôle de l’ex

Soutien ponctuel, amitié claire, pas d’ambiguïté.

Épaules de secours → l’ex devient béquille affective.

Refuge principal → le partenaire actuel est remplacé dans sa fonction intime.

Fonction psychique

Intégrer le passé sans l’effacer (mémoire apaisée).

Éviter l’angoisse de solitude (doudou) / maintenir vivante une image idéalisée (nostalgie).

Réparer la culpabilité d’avoir quitté (ex-expiatoire) → dette affective qui vampirise le couple.

Impact émotionnel

Tolérable, ne menace pas la sécurité du couple.

Crée de l’insécurité, des doutes, de la jalousie.

Déclenche une blessure d’abandon, de rejet ou d’injustice profonde.

Impact sexuel et corporel

Neutralité, pas d’effet négatif.

Désir conjugal fragilisé, comparaisons, inhibition.

Blocages sexuels, perte de désir, insomnie, anxiété, dérégulation hormonale (Masters & Johnson, Nagoski).

Dimension symbolique

Permet de tourner la page sans effacer l’histoire.

L’ex reste trop présent → fantôme du passé qui hante le couple.

Empêche tout deuil, répète les schémas familiaux (“les hommes de ma lignée trahissent”).

Le poids des scripts sociaux

Il serait trop simple de réduire cela à des fragilités individuelles. Non, cela va bien au-delà. 

  • Dans une société où les femmes restent associées au care affectif (Molinier, 2013), maintenir le lien avec un ex est ainsi plus vite vécu comme une trahison : l’ex capte ce que les femmes considèrent comme le cœur de l’engagement, l’émotionnel.

  • Les hommes, socialisés à travers les scripts sexuels de virilité (Castelain-Meunier, 2011), valorisent davantage l’exclusivité corporelle, mais minimisent les échanges affectifs avec une ancienne partenaire.

Cette asymétrie émotionnelle invisible explique pourquoi l’ex est tantôt vu comme une "menace sentimentale", tantôt comme une "amitié banale".

 

Critique et nuances nécessaires

Un regard nuancé s’impose. Dans certains contextes (coparentalité, amitié sincère, polyamour), le lien avec l’ex peut être non seulement accepté, mais structurant. Des recherches récentes (Campbell & Wright, 2021 ; IFOP, 2022) montrent que 38 % des couples déclarent avoir "normalisé" un lien avec un ex, sans que cela entame leur confiance.

Mais dans la majorité des situations, le non-dit autour de ce lien nourrit l’incompréhension et les symptômes. Ce n’est pas tant le lien lui-même qui détruit, mais l’absence de parole claire sur sa place.

 

En résumé, l’infidélité avec l’ex n’est pas un simple "accroc sentimental" :

  • C’est une loyauté inconsciente qui prolonge un pacte ancien.

  • Elle s’enracine dans l’attachement, la culpabilité et les transmissions transgénérationnelles.

  • Elle fragilise la sexualité en attaquant la sécurité affective.

  • Elle reflète des scripts sociaux différenciés entre hommes et femmes.

  • Et elle peut devenir un espace thérapeutique de transformation, si la parole et le rituel viennent réinscrire le couple dans le présent.

IV. Quand l’écran devient complice : la cyberinfidélité

La cyberinfidélité, c’est une trahison sans peau mais avec toute la chair de l’imaginaire.

La cyberinfidélité n’est pas une sous-catégorie d’infidélité émotionnelle : c’est une forme propre de trahison qui passe par l’écran.
Elle ne touche pas seulement le cœur (comme l’infidélité émotionnelle) ni seulement le corps (comme l’infidélité sexuelle), mais brouille les deux en y ajoutant une dimension d’invisibilité numérique.

 

Trois visages de la cyberinfidélité

  • Flirt numérique caché : likes suggestifs, échanges coquins, messages privés non assumés.

  • Relation virtuelle parallèle : sextos, visios, confidences intimes qui deviennent un refuge quotidien.

  • Dépendance interactive : camgirls, OnlyFans, pornographie sur commande → un tiers virtuel occupe la place de partenaire.

 

Ce que disent les chiffres

  • 1 personne sur 3 en couple a déjà vécu ou soupçonné une cyberinfidélité (Ifop, 2022).

  • 58 % des femmes considèrent qu’échanger des sextos cachés constitue une trahison, contre 43 % des hommes (Poussin & Lemoine, 2019).

  • L’impact est aussi destructeur qu’une infidélité physique : sentiment d’humiliation, perte de désir, symptômes anxieux ou somatiques (troubles du sommeil, inhibition sexuelle).

 

Pourquoi c’est si douloureux ?

Parce que l’écran permet le dédoublement : l’autre est physiquement présent, mais affectivement et sexuellement investi ailleurs.
C’est une infidélité au présent, une trahison qui se déroule sous nos yeux mais hors de notre portée.

Les recherches récentes montrent que la cyberinfidélité génère les mêmes blessures que l’infidélité physique : insomnie, anxiété, perte de désir, comparaisons dévalorisantes (Labbé, Université Laval, 2019). Certaines jurisprudences de divorce pour faute en France l’ont même reconnue comme une preuve de rupture du devoir de fidélité.

 

Sexe, corps et cyberfantasmes

La sexothérapie éclaire la cyberinfidélité sous un autre angle : le corps est évincé. L’écran permet une excitation rapide, sans odeur, sans peau, sans souffle.

  • Le désir conjugal peut être inhibé par la comparaison implicite avec des échanges idéalisés.

  • Le corps réel du partenaire devient "trop", avec ses imperfections, face à la perfection scénarisée des images ou des messages filtrés.

  • À long terme, la cyberinfidélité peut induire des blocages sexuels (dysfonction érectile, perte de lubrification, anorgasmie) car le corps se dissocie de l’imaginaire.

 

La cyberinfidélité, ce n’est pas "moins grave" : c’est l’illusion d’un ailleurs qui colonise l’ici.

V. Les fissures invisibles : micro-cheating et ambiguïtés

Le micro-cheating n’est pas une “petite infidélité émotionnelle”. C’est autre chose : une série de micro-actes numériques ou sociaux qui, isolés, paraissent anodins, mais qui, cumulés, fissurent l’exclusivité affective et érotique du couple.

Ce n’est pas "tromper ouvertement", mais c’est jouer avec la frontière : garder un ex dans ses contacts, liker systématiquement les selfies d’une collègue, commenter “” une story, répondre la nuit à un "t’as pensé à moi ?", ou encore scroller Tinder "juste pour voir".

 

Trois logiques du micro-cheating

  • Logique narcissique

Besoin : se sentir validé·e, aimé·e, vu·e.

Exemple clinique : Marion, en couple depuis 8 ans, poste des selfies suggestifs et attend les DM de son ex pour mesurer si elle plaît encore.

Impact : son partenaire vit une "infidélité de regard" : ce n’est pas une trahison physique, mais le regard désirant n’est plus pour lui.

 

  • Logique ludique

Besoin : l’excitation de la limite, le frisson du risque.

Exemple clinique : Daniel envoie régulièrement des émojis ambigus à une collègue mais s’arrête toujours avant le rendez-vous.

Impact : la sexualité conjugale devient fade : le jeu, le suspense, la transgression sont exportés hors du couple.

 

  • Logique évitante

Besoin : garder un plan B, une porte de sortie.

Exemple clinique : Clara n’a jamais supprimé son profil Tinder "au cas où". Elle s’y connecte en cachette quand elle se sent insatisfaite.

Impact : son conjoint perçoit inconsciemment cette fuite. Dans la chambre, il bloque son désir : difficile de se donner à quelqu’un qui "garde une issue de secours".

Attachement et micro-cheating

  • Style anxieux → vit chaque micro-acte comme une menace : "Si tu likes son corps, c’est que tu ne veux plus du mien".

  • Style fuyant → banalise : "Ce n’est rien, tu exagères", mais en réalité, il protège son indépendance en minimisant les ressentis du partenaire.

  • Style sécure → tolère mieux la nuance, mais réclame clarté et cohérence pour éviter l’usure.

Le micro-cheating est donc un révélateur des styles d’attachement : chacun y projette sa blessure (abandon, rejet, trahison).

 

Dimension sexologique

Selon Masters & Johnson (1970), le désir est fragile quand il se disperse. Emily Nagoski (2019) a montré que l’attention érotique fonctionne comme un "spotlight" : là où se pose le regard, se dépose l’énergie sexuelle.

Le micro-cheating détourne ce projecteur. Ce n’est pas seulement "parler à quelqu’un d’autre" : c’est offrir le carburant érotique du couple à un tiers.

 

Symbolique et quotidien

  • Le micro-cheating, c’est la pluie fine qui finit par inonder le couple.

  • C’est l’art de dire : "Je ne t’ai pas trompé·e… mais je n’étais pas vraiment avec toi non plus".

  • Dans le quotidien, cela use : notifications effacées, désirs exportés, comparaisons silencieuses.

 

En résumé

Le micro-cheating n’est pas une affaire de "like" ou de "DM". C’est une affaire de présence réelle : où va ton désir ? ton attention ? ton regard ?


Le micro-cheating, ce n’est pas une trahison spectaculaire.

C’est une érosion invisible, qui mine la fidélité au présent.

Aspect

Zone verte (acceptable / ressource)

Zone grise (micro-cheating, ambigu)

Zone rouge (infidélité émotionnelle ou sexuelle)

Clarté / Transparence

Le partenaire sait tout, rien n’est caché.

Messages, likes, contacts conservés, mais pas toujours assumés ("ce n’est pas grave").

Secrets assumés : conversations effacées, double vie affective ou sexuelle.

Rôle du tiers

Contact neutre, amical, connu et validé.

Ex ou collègue sert de "béquille" affective (likes, confidences légères, DM ambigus).

Le tiers devient le confident ou l’amant principal, le couple est court-circuité.

Fonction psychique

Nourrir son réseau, maintenir un lien social normal.

Se rassurer, vérifier qu’on plaît encore, garder un "plan B" implicite.

Investissement affectif ou sexuel majeur hors du couple (attachement, sexualité, projet).

Impact émotionnel

Tolérable, renforce la sécurité de couple.

Crée doute, jalousie, comparaisons → insécurité sourde.

Déclenche blessure d’abandon, rejet, trahison explicite.

Impact sexuel et corporel

Neutralité : désir conjugal intact.

Désir fragilisé : l’excitation se déporte vers l’extérieur, baisse de libido au sein du couple.

Blocages sexuels, perte de désir, symptômes corporels (anxiété, insomnie, inhibition).

Symbolique

Le couple reste l’espace central de l’amour et du désir.

Flou : le couple n’est plus exclusif dans le regard, "infidélité du micro-détail".

La fidélité est rompue : le présent est habité par un tiers, empêchant toute exclusivité affective/sexuelle.

VI. Attachement et confiance : cicatrices et réparations au-delà de la trahison

Donner une place au symbolique et au transpersonnel

La trahison n’est pas seulement une déchirure : elle peut devenir une initiation. Clarissa Pinkola Estés (Femmes qui courent avec les loups, 1996) le dit magnifiquement : "chaque blessure est une descente dans l’obscur, là où l’âme retrouve sa force sauvage".
En ce sens, traverser une trahison, c’est aussi traverser une mort symbolique : celle de l’idéalisation naïve du couple. Mais cette mort ouvre parfois à une renaissance : celle d’un couple plus conscient, plus vrai, moins basé sur l’illusion et davantage enraciné dans la réalité.

La trahison détruit l’illusion, mais elle peut accoucher du vrai couple.

 

Quelques chiffres pour mesurer l’ampleur

  • 43 % des Français déclarent avoir déjà été infidèles (IFOP, 2022).

  • 46 % des personnes trahies estiment que la confiance ne revient jamais totalement, même après un travail thérapeutique.

C’est dire à quel point la blessure de trahison est profonde et combien un accompagnement structuré est indispensable pour la traverser.

 

En pratique thérapeutique : trois étapes essentielles

  1. Nommer la blessure : donner une place au corps, aux symptômes, à la colère, sans minimiser.

  2. Créer un rituel de vérité et de réparation : lettre, geste symbolique, reconstruction narrative.

  3. Réinventer le lien : redéfinir les règles du couple, poser de nouveaux pactes, intégrer la dimension symbolique.

 

Transformer une trahison, ce n’est pas "revenir comme avant". C’est inventer un après. Cela demande du courage, de la sincérité et un accompagnement solide. Pour le dire autrement, l’amour adulte ne guérit pas toujours les blessures d’attachement. Mais un couple conscient peut, à travers ces crises, transformer la peur en fondation et la méfiance en véritable sécurité intérieure partagée.

La trahison est une des blessures les plus violentes du lien amoureux : parce qu'elle touche à l'attachement, elle fissure à la fois la confiance, le corps et l’imaginaire partagé.

Pour le dire autrement, ce qui est trahi, ce n’est pas seulement le contrat amoureux, mais le socle d’attachement sur lequel repose la sécurité psychique du couple. Comme le rappelle Gwenaëlle Persiaux (2020), "on ne souffre pas tant de l’acte d’infidélité que de l’effondrement du sentiment d’être choisi, préféré, unique".

La reconstruction ne passe donc pas par un simple "pardonner" ou "tirer un trait", mais par un travail profond sur l’attachement et la confiance  au sein du couple. C'est là tout l'enjeu d'une thérapie de couple :

  • réapprendre la transparence,

  • restaurer la fiabilité,

  • réparer la blessure primitive de ne pas être "assez".

 

Explorer la dialectique : vengeance ou réparation ?

Beaucoup oscillent entre l’envie de tout détruire ("qu’il / elle souffre comme j’ai souffert") et l’envie de sauver le lien. C’est une ambivalence normale, et même saine : elle signale que l’amour n’est pas mort, mais qu’il a été contaminé par la colère. Comme le disait Guy Corneau (N’y a-t-il pas d’amour heureux ?, 2000) : "la colère, lorsqu’elle est habitée, peut devenir une énergie de vérité plutôt qu’une arme de destruction".
En thérapie, transformer cette colère en parole vivante, claire et incarnée, est un premier pas vers la réparation.

 

Démasquer les faux pardons

Trop de couples se précipitent dans un "pardon" de façade. Or, il existe plusieurs faux pardons :

  • Conditionnel : "je te pardonne si tu changes".

  • Façade : "j’ai pardonné", mais la rancune ronge de l’intérieur.

  • Sacrificiel : "je pardonne pour les enfants", mais en s’éteignant soi-même.

En réalité, le vrai pardon n’est jamais une injonction morale. Il est un processus lent, qui passe par la traversée de la colère, la reconnaissance de la douleur et, parfois, le choix de ne pas rester.

 

Replacer la trahison dans son contexte social et interculturel

La blessure de trahison n’est pas perçue de la même manière selon les cultures. Dans certaines sociétés, l’infidélité masculine est banalisée, voire attendue, alors que l’infidélité féminine reste fortement stigmatisée. Cela crée une asymétrie symbolique dans les couples modernes. Comme le rappelle Jean-Claude Kaufmann (La trame conjugale, 1992), "le couple contemporain reste traversé par des normes implicites héritées du patriarcat, qui structurent ce qu’on considère comme une trahison".
En thérapie, déconstruire ces scripts culturels permet de sortir des doubles standards et de redonner une place égale à chacun.

FAQ : infidélité, trahison et renaissance du lien

1. L’infidélité est-elle toujours une trahison ?

Pas forcément.
Une soirée où l’on danse un peu trop près n’a pas le même poids qu’un double compte WhatsApp rempli de sextos cachés. L’infidélité devient trahison quand elle fracture la confiance implicite du couple. Comme l’écrit Nicole Guédeney (L’attachement, 2012), "la blessure n’est pas dans l’acte mais dans la rupture de sécurité affective".

 

2. Quelle est la différence entre infidélité émotionnelle, cyberinfidélité et micro-cheating ?

  • Infidélité émotionnelle : confidences intimes offertes à un autre que son/sa partenaire.

  • Cyberinfidélité : échanges virtuels (sextos, applis, webcams) vécus comme réels dans le corps.

  • Micro-cheating : petites entorses répétées (liker l’ex en cachette, conversations ambiguës) qui érodent la confiance.

Dans la clinique, les couples disent souvent : "ce n’était pas physique, mais j’ai eu l’impression qu’on me retirait ma place".

 

3. Pourquoi la trahison réactive-t-elle des blessures d’attachement anciennes ?

Parce que l’attachement est le ciment du couple.
John Bowlby (1969) montre que toute perte ou menace de lien active les mêmes circuits neuronaux que la douleur physique.
Exemple : Claire a découvert les messages de Marc avec une collègue. Elle témoigne : "ce n’est pas elle qui m’a blessée, c’est que tu n’étais plus mon refuge".

 

4. Peut-on vraiment reconstruire la confiance après une infidélité ?

Oui, mais pas en "oubliant".
Les recherches de Gwenaëlle Persiaux (Guérir des blessures d’attachement, 2017) montrent que la réparation passe par une relecture complète du pacte conjugal.
Les couples qui réussissent sont ceux qui acceptent d’entrer dans une "séance de vérité" où l’on nomme les manques, les désirs, les colères.

 

5. Pourquoi certains pardonnent "trop vite" ?

Parce qu’ils confondent pardon et peur de perdre.
Boris Cyrulnik le rappelle : "on peut survivre à une trahison, mais pas à l’absence de sens qu’elle génère".
Dans mon cabinet, j’ai vu des conjoints dire "je te pardonne" au bout d’une semaine… mais sombrer ensuite dans une jalousie obsessionnelle.

 

6. Qu’est-ce qui est pire : un rapport sexuel ou une intimité émotionnelle cachée ?

La réponse n’est pas universelle.
Pour certains, une nuit sans lendemain est supportable ; pour d’autres, une conversation intime est vécue comme une amputation.
En sexothérapie (Masters & Johnson ; Emily Nagoski), on constate que le corps pardonne plus facilement que le cœur.

 

7. La cyberinfidélité est-elle "moins grave" ?

Non. Le cerveau ne fait pas de différence entre fantasmer en ligne et vivre une excitation réelle (Meston & Buss, 2009).
Un de mes patients disait : « quand j’ai su qu’elle s’était masturbée en visio avec lui, j’ai eu l’impression qu’il avait pénétré notre chambre ».

 

8. Comment transformer une blessure de trahison en levier de croissance ?

La thérapie de couple vise à alchimiser cette douleur.

  • Nommer les blessures anciennes (souvent transgénérationnelles).

  • Traverser la colère (sans rester figé dedans).

  • Réinventer un pacte d’amour conscient.

 

9. L’infidélité est-elle toujours une fin de couple ?

Non. Pour certains, elle signe la fin d’un cycle. Pour d’autres, elle devient le passage initiatique qui ouvre un lien plus mature.
Clarissa Pinkola Estés (1996) le dit magnifiquement : « là où la trahison a déchiré, le couple peut coudre une étoffe plus solide".

 

10. Que faire si je me sens trahi·e et perdu·e ?

La pire erreur : rester seul avec le poison du doute.
La première étape est de déposer cette douleur dans un espace tiers, sans jugement.
C’est ce que je propose dans mes accompagnements : une séance où "ça" se dit (individuelle ou en couple), pour sortir du flou et voir si votre lien peut renaître.

Conclusion

La plupart des discours sur l’infidélité ratent leur cible : ils s’arrêtent au geste (adultère, messages cachés, micro-cheating…). Mais la vraie faille est ailleurs : c’est la trahison du pacte d’attachement. Comme le rappelle John Bowlby (Attachment and Loss), la sécurité affective est la condition même de l’exploration et du désir. Quand elle se fissure, c’est toute la structure qui vacille.
Parler d’infidélité sans parler d’attachement, c’est parler d’un incendie en décrivant seulement la fumée.

Par ailleurs, la trahison n’est pas seulement une fracture du lien amoureux : elle s’invite jusque dans le corps et dans l’intime. Comme le rappelle Alain Héril (Une histoire érotique de l’inconscient, 2019), "la sexualité est toujours traversée par l’histoire inconsciente du sujet". Quand l’un est infidèle, l’autre ne découvre pas seulement une blessure psychique : il découvre aussi un lit habité par des fantômes. Comparaisons, érections fragiles, désir suspendu : l’infidélité s’imprime dans la chair avant même de se dire avec des mots. Emily Nagoski (Come as you are, 2015) souligne que le désir est extrêmement sensible à la sécurité émotionnelle : sans sécurité, la pulsion se fige, se referme.

 

En thérapie, c’est précisément là que le travail s’ouvre. Rester ensemble après une trahison n’a aucun sens si c’est pour bricoler une façade. Ce qui compte, c’est la capacité à descendre dans la vérité nue :

  • dire l’indicible sans détour,

  • affronter la honte, la dette et la culpabilité,

  • revisiter le contrat implicite du couple (désir, exclusivité, loyauté, intimité).

C’est à ce prix que la cicatrice devient (pour reprendre Boris Cyrulnik) "une métamorphose, un lieu de force".

 

Dans de nombreuses traditions, la trahison est vue comme une mort symbolique : l’ancien lien s’effondre, les illusions tombent, et quelque chose de plus vaste peut naître. C’est souvent douloureux, mais c’est aussi un appel : celui de renaître à une vérité plus profonde, que ce soit ensemble ou séparément.

Soyons clair : un couple trahi ne redevient jamais "comme avant". Soit il s’éteint, soit il s’ouvre à une conscience nouvelle. Clarissa Pinkola Estés nous le souffle : "c’est là où se trouve la blessure que réside aussi la guérison".
La trahison, si on s'en relève, est moins une fin qu’un rite de passage. Elle met à nu les illusions, oblige à se réinventer. Elle peut devenir un travail du lien. C'est un travail exigeant, qui traverse la chair, l’âme et l’histoire. C’est aussi et surtout une invitation à aller chercher, au-delà du choc et du ressentiment, la possibilité d’un amour plus conscient.

 

Si vous traversez une blessure de trahison, sachez qu’elle n’est pas une condamnation mais un passage. Dans mes accompagnements - en thérapie de couple, en sexothérapie ou dans mes parcours comme Voyage au cœur de soi ou Traverser la blessure d’amour pour renaître au lien sacré - je vous guide à transformer cette épreuve en levier de renaissance.

Infos et résa : https://www.neosoi.fr/

Bibliographie

  • Boszormenyi-Nagy, I., & Spark, G. M. (1984). Invisible Loyalties: Reciprocity in Intergenerational Family Therapy. Routledge.

  • Bowlby, J. (1969/1982). Attachment and Loss. Vol. 1: Attachment. Basic Books.

  • Brewer, G. (2023). What Type of Infidelity Do People Find Most Unforgivable? Archives of Sexual Behavior. Elsevier.

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  • Crépault, C. (2014). La sexualité masculine : une exploration sexo-analytique. Odile Jacob.

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  • Graff, M. (2018). Popularisation du concept de micro-cheating. University of South Wales.

  • Guédeney, N., Guédeney, A., & Tereno, S. (2021). L’attachement : approche clinique et thérapeutique (5e éd.). Elsevier-Masson.

  • Héril, A. (2019). On ne fait pas l’amour, c’est l’amour qui nous fait. Eyrolles.

  • IFOP. (2022). Baromètre européen de l’infidélité. IFOP.

  • Kaufmann, J.-C. (2014). Sociologie du couple (6e éd.). Presses Universitaires de France.

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  • Salomon, P. (1994/2002). La sainte folie du couple. Albin Michel / Le Livre de Poche.

  • Schützenberger, A. A. (1998). Aïe, mes aïeux ! Desclée de Brouwer.

  • Watzlawick, P., Beavin Bavelas, J., & Jackson, D. D. (1967). Pragmatics of Human Communication. W. W. Norton.

NeoSoi - Dr Céline BERCION - psychologue sociale et systémique, thérapie de couple et sexothérapie - Bordeaux et visio

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