Critique féminine : pourquoi les femmes le font… et pourquoi ça tue le désir
En séance, elle tremble, la colère et la rancoeur sont palpables :
- "Je porte tout dans la maison, tu ne fais jamais rien… "
Lui soupire, fort, lève les yeux au ciel. Le silence s’épaissit entre eux.
Leurs corps sont tout proches… mais déjà séparés par un mur invisible.
En thérapie de couple, je vois ce scénario chaque semaine. Ce que la recherche décrit, je le vois vivre en larmes sur mon canapé : dans 85 % des couples hétérosexuels étudiés par le Gottman Institute, c’est la femme qui initie la critique et l’homme qui se retire (Gottman & Levenson, 2002).
Et plus elle critique, plus il se ferme.
Plus il se ferme, plus elle critique.
Jusqu’à ce que l’amour s’épuise… et que le désir sexuel disparaisse.
Il baisse les yeux, se recroqueville.
Son corps est là, mais plus son élan.
Elle croit qu’il s’en fiche.
En réalité, il se sent inutile, disqualifié, vidé.
Chaque reproche ravive sa honte d’homme "jamais assez".
Et ce cycle critique féminine / retrait masculin est aujourd’hui identifié comme l’un des prédicteurs les plus sûrs de rupture et d’effondrement du désir.
Ce n’est pas un cliché. Les chiffres le confirment :
-
les femmes portent encore 72 % de la charge domestique et émotionnelle (Insee, 2023) ;
-
elles initient davantage de plaintes et reproches relationnels (Guédeney, 2016 ; Wiart, 2016) ;
-
et ces reproches répétés sont l'un des pires poisons de l’érotisme (Brenot, Inventer le couple, 2017).
En fait, ces critiques féminines ne sont ni des fautes ni des "défauts féminins" : ce sont des stratégies de survie relationnelle, héritées des scripts sociaux, de la charge mentale et de blessures d’attachement anciennes. Des réflexes appris très tôt : plaire, corriger, devancer pour espérer être aimée.
Mais ce que les femmes croient protecteur, les hommes le vivent comme une remise en cause de leur valeur. Chaque remarque est perçue comme un rejet, chaque reproche comme la preuve qu’ils ne seront jamais assez bien.
Et plus il se ferme, plus elle critique.
Plus elle critique, plus il se ferme.
Jusqu’à ce que le lien s’étiole et que le lit se glace.
Paradoxalement, à force de vouloir sauver le lien, elles finissent par le briser.
Comme l’ont montré Eva Illouz (Pourquoi l’amour fait mal, 2012) et Mona Chollet (Réinventer l’amour, 2021), ces dynamiques sont profondément marquées par le patriarcat et la marchandisation de l’amour : un système qui a appris aux femmes à corriger plutôt qu’à demander, à veiller plutôt qu’à se laisser porter.
Alors, pourquoi les femmes critiquent-elles plus dans le couple ?
À quoi sert ce réflexe qui semble universel ?
Et surtout : comment transformer ces reproches en demandes vivantes, avant qu’ils ne détruisent la relation de couple et le désir sexuel ?
Cet article n’est pas une leçon de morale : c’est une plongée dans ce que la science, la sociologie, la psychologie sociale et la clinique révèlent.
La critique féminine n’est pas une lubie personnelle : c’est un appel d’amour mal dit.
Mais mal dit, il peut finir par détruire le couple.

1. La critique comme outil de régulation du désordre conjugal
"Tu ne fais jamais rien. Même respirer, tu le fais mal".
C’est ainsi qu’Agnès, 42 ans, résume son quotidien conjugal en séance. J'ai du mal à l'arrêter. Son mari, lui, s’est muré dans un silence de béton. À force de corriger, elle n’existe plus que comme juge de son mari.
Et Agnès n'est pas la seule à avoir ce genre de comportement. Voilà le coeur du paradoxe : la critique féminine n’est pas un défaut personnel. C’est en fait un rôle appris, répété de génération en génération.
La critique est le bruit du déséquilibre
Le poids de l’histoire : du foyer au tribunal conjugal
Pendant des siècles, les sociétés occidentales ont assigné les femmes au dedans (maison, enfants, moralité) vs les hommes au dehors (travail, guerre, politique).
Au fil des siècles, en occident, femme a consolidé bien malgré elle son rôle de la gardienne de l’ordre domestique : celle qui veille, corrige, rappelle à l’ordre. Ce n’était pas un choix : c’était une mission.
Et ce rôle ne s’est pas effacé avec le XXe siècle. Il s’est transformé en réflexe. Aujourd’hui encore, selon l’Insee (2023), les femmes assurent 72 % du temps domestique, soit 1h30 de plus par jour que les hommes. Résultat ? Elles voient plus, elles surveillent plus, elles critiquent plus.
Une sorte de : "Puisque tu ne fais rien, j’ai le droit de te le reprocher". Voilà la phrase silencieuse, implicite, qui habite encore tant de foyers.
La socialisation : apprendre à veiller
Nicole Mosconi (2020) a montré que, dès l’école, les filles sont encouragées à la vigilance, à l’obéissance et au soin. Les garçons, eux, sont valorisés quand ils osent, quand ils transgressent.
Deux scripts différents.
Deux manières de se construire.
Et un gouffre conjugal quand ils se rencontrent.
Pascale Molinier (2022) rappelle que ce "travail du care" invisible inclut la surveillance morale : penser à tout, veiller à tout, corriger. La critique devient la voix de ce rôle, le prolongement naturel de ce qu’on a appris à faire.
Marie-Anne Dujarier (2021) ajoute que dans le monde du travail comme à la maison, les femmes subissent une injonction à "bien faire". Et ce perfectionnisme imposé glisse du bureau à la chambre à coucher.
Même dans les recherches les plus récentes, cette logique apparaît. Ferrara et Vergara (2024) décrivent bien ce phénomène qu'ils nomment le mankeeping : non seulement les femmes assurent les tâches, mais elles portent aussi la charge de la relation elle-même.
Par exemple : elles s'assurent que l’homme téléphone à ses parents, qu’il participe à la vie affective, qu’il dise "je t’aime", etc.. Bref, elles tiennent la relation à bout de bras et, en corollaire, le rappellent sans cesse.
Dans ce sens, on comprend bien que la critique, ce n’est pas un caprice. C’est le langage d’un mandat invisible.
Un produit du patriarcat occidental
Et c’est là un point essentiel : ce script n’est pas universel.
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Dans les sociétés matrilinéaires (comme les Mosos en Chine ou les Minangkabau en Indonésie), les femmes ont un rôle central dans la transmission et la gestion du foyer. Le mari n’habite même pas toujours sous le même toit. La critique conjugale telle qu’on la connaît est marginale.
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Dans les sociétés communautaires (certains villages africains ou amérindiens), le comportement des hommes est régulé par le clan ou les anciens, pas seulement par l’épouse. La critique n’est donc pas concentrée dans la sphère intime.
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Dans les cultures méditerranéennes, la critique féminine existe, mais elle est presque ritualisée, banalisée car socialement admise comme une fonction conjugale.
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Dans les sociétés nordiques, où la répartition domestique est plus égalitaire, la critique est moins genrée : hommes et femmes s’y adonnent à parts quasi égales.
Autrement dit, si les femmes occidentales critiquent tant, ce n’est pas une "nature féminine". C’est le produit d’une organisation patriarcale spécifique.
La critique, c’est la symphonie du désordre conjugal.
Elle hurle pour réguler… mais elle finit par assourdir la relation

Réguler : le rôle caché de la critique
Contrairement à ce qu’on croit, la critique n’est pas gratuite. Elle cherche à rééquilibrer une balance faussée.
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Trop de tâches pour elle, trop peu pour lui.
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Trop de temps dehors, pas assez dedans.
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Trop de désir de son côté, trop peu du sien.
Selon l’Insee (2023), les femmes effectuent 72 % du temps domestique. Et une enquête IFOP (2022) montrait que 74 % des femmes reconnaissent critiquer régulièrement leur conjoint, contre seulement 26 % des hommes. La critique est donc genrée : elle est le langage de celles qui portent le plus et qui le rappellent.
Il faut le dire clairement : dans la plupart des couples, ce sont les femmes qui critiquent plus. Oui. Pas parce qu’elles seraient "plus insatisfaites", mais parce qu’elles portent plus. Comme le dit Hochschild (2022), elles assurent toujours le "second shift" : après le travail, elles reprennent une deuxième journée invisible. La critique devient alors leur seule manière de réclamer justice.
De la vaisselle à la sexualité
Et contrairement à ce que l’on croit, la critique ne vise pas seulement la vaisselle ou les poubelles. Elle vise tout ce qui touche au couple parental et au couple conjugal :
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"Tu ne t’occupes jamais des enfants."
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"Tu passes trop de temps avec tes potes."
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"Tu bois trop."
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"Tu n’as jamais d’initiative sexuelle."
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Etc.
Dans l’intimité, la critique est vécue comme une castration symbolique par l'homme.
Derrière chaque reproche, toujours la même logique :
signaler un déséquilibre, combler un vide, rappeler un mandat.

2. Quand elle demande du lien et qu’il entend qu’elle veut le changer
Le malentendu relationnel le plus toxique
Un classique ...
Elle :
- "Je me sens seule à deux".
Lui, raide, mâchoires serrées, rétorque :
- "Quoi que je fasse, ce n’est jamais assez, t'es jamais contente".
À cet instant, ils ne vivent plus la même scène.
Elle croit tendre la main. Lui entend qu’elle brandit un verdict.
Et ce décalage est l’un des malentendus relationnels les plus destructeurs que je rencontre en thérapie de couple.
Trois niveaux imbriqués : social, psychique, systémique
Ce pattern n’est pas une fatalité biologique ; il est le produit de trois niveaux qui s’enchevêtrent :
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La socialisation genrée : comme le rappelle Nicole Mosconi (2020), les filles sont encouragées dès l’école à maintenir la qualité du lien, quand les garçons sont valorisés pour leur autonomie émotionnelle.
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Les empreintes d’attachement : la protestation anxieuse décrite par Yvane Wiart (2016) est une réponse automatique du système d’attachement à la menace de rejet, tandis que les profils évitants désactivent leurs émotions et leur désir pour se protéger (Persiaux, 2018).
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La dynamique systémique : avec le temps, ces polarités s’enferment dans une boucle critique/retrait où chacun confirme la peur de l’autre.
La psychiatre Nicole Guédeney (2016) rappelle que les femmes expriment plus souvent leurs affects négatifs car elles se vivent comme garantes de la maintenance relationnelle, ce qui est renforcé par le fait qu’elles assument encore 72 % de la charge domestique et émotionnelle (Insee, 2023).
Ces différences ne sont pas donc naturelles, mais socialement construites et psychiquement entretenues.
Le choc des systèmes d’attachement
Léa en consultation l’illustre parfaitement : son regard s’embue, sa voix se brise, elle répète :
- "Tu ne prends jamais d’initiative, c'est comme si j'avais à driver un stagiaire, tout lui dire …"
Son système d’attachement est en hyperactivation : son organisme tente, dans l’urgence, de ranimer la proximité émotionnelle.
Thomas, lui, se rétracte : mâchoires crispées, souffle coupé, épaules figées.
Il n’entend plus ses mots. Il entend : "tu n’es pas assez". Et comme le décrit Gwenaëlle Persiaux (2018), le système évitant désactive l’attachement et le désir pour survivre à la menace narcissique.
Elle se sent brûler de l’intérieur, dévastée par l’impression d’être transparente.
Il se sent vidé, aspiré par la conviction qu’il n’aura jamais la bonne façon d’aimer.
CQFD.

Une boucle de rétroaction négative auto-entretenue
En fait, ce n’est ni elle qui est "trop exigeante" ni lui qui est "trop distant" : c’est un système de régulation dyadique défaillant qui s’est auto-renforcé au fil du temps.
Au début, ces signaux sont rares, presque invisibles. Puis ils deviennent quotidiens, automatiques, vidant peu à peu toute régulation émotionnelle mutuelle. Jusqu’à ce que le couple fonctionne plus comme une cohabitation défensive que comme un lien amoureux.
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Elle attaque pour ranimer le lien.
-
Il se retire pour préserver sa valeur.
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Elle guette ses absences pour prouver qu’il s’éloigne.
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Il guette ses reproches pour prouver qu’il est disqualifié.
Chaque interaction confirme leur prophétie auto-réalisatrice.
Chaque échange nourrit un biais de confirmation.
Chaque conflit érode un peu plus la régulation émotionnelle mutuelle.
La littérature scientifique appelle ce schéma la boucle critique/retrait, l’un des prédicteurs les plus puissants de la rupture conjugale :
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présent dans 85 % des couples hétérosexuels en détresse (Gottman & Levenson, 2002),
-
fortement corrélé à la détérioration du désir sexuel et à l’augmentation du risque de séparation (Persiaux, 2018).
Trois variantes cliniques fréquentes
En pratique, cette boucle se décline sous trois formes typiques :
-
les couples à polarisation émotionnelle forte (crises fréquentes, désir très fluctuant),
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les couples à polarisation silencieuse (mutisme défensif, lit gelé),
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les couples à polarisation alternée (chacun devient tour à tour anxieux puis évitant).
En tout cas, quel que soit leur style, tous finissent par perdre leur capacité de co-régulation émotionnelle et donc leur élan érotique.
Un mécanisme de désorganisation relationnelle
Tant que ce décalage de sens n’est pas nommé et symbolisé, la relation entre alors dans une escalade symétrique, puis une polarisation interactionnelle durable :
-
désactivation progressive du désir,
-
retrait émotionnel chronique,
-
désorganisation de l’attachement,
-
et, dans la majorité des cas, rupture émotionnelle bien avant la rupture formelle.
Et en thérapie de couple, chacun découvre les interprétations de l'autre ...
- "Je voulais juste que tu me serres dans ses bras… "
- "Je croyais que tu voulais que je devienne quelqu’un d’autre.".
Ils ne parlaient pas de la même chose. Ils ne parlaient même plus la même langue.

3. Comment la critique éteint le désir sexuel
Quand le lit devient un terrain miné
Au début, ce sont de petites remarques :
"Tu pourrais au moins m’embrasser en rentrant", "Tu me fais toujours l’amour de la même manière", etc.
Puis ces phrases deviennent le bruit de fond du quotidien. Leur lit n’est plus un refuge : il devient un espace d’évaluation implicite. Et peu à peu, le désir se fige.
Il n’y a plus de surprise, plus de jeu, plus de mystère. Il ne reste que cette impression d’être jugé avant d’être touché.
Quand la critique enclenche les freins du désir
En fait, cette glaciation sexuelle n’est jamais un accident isolé : elle est souvent le point final de la boucle critique/retrait décrite précédemment.
Quand chaque tentative d’intimité est vécue comme une menace, le désir cesse de circuler.
La sexologue Emily Nagoski (2015) décrit le fonctionnement du désir selon un modèle de double contrôle :
-
un système d’activation (accélérateur), nourri par la curiosité, la sécurité, la nouveauté (dopamine, parasympathique),
-
et un système d’inhibition (frein), déclenché par le stress, la peur, le jugement (cortisol, système sympathique).
La critique active le frein sexuel et désactive l’accélérateur :
-
elle déclenche le système de stress,
-
réduit le flux sanguin génital,
-
bloque les boucles dopaminergiques de récompense,
-
et fait basculer le corps dans un mode défensif.
De son côté, la chercheuse Cindy Meston (2017) a montré que la moindre tension émotionnelle perçue réduit significativement la lubrification et l’érection, même quand l’envie est présente.
Autrement dit : la critique appuie sur le frein et écrase l’accélérateur.
En séance, c'est une des raisons pour lesquelles je propose aux couples de cartographier leurs freins (stress, jugement, peur) et leurs accélérateurs (tendresse, nouveauté, sécurité), pour identifier ce qui étouffe ou nourrit leur désir.

Du lien menacé au corps anesthésié
La psychiatre Nicole Guédeney (2016) rappelle que le désir ne peut s’épanouir que dans un sentiment de sécurité d’attachement.
Quand cette sécurité s’effondre, le corps se ferme.
La sexologue Gwenaëlle Persiaux (2018) observe d'ailleurs que dans la boucle critique/retrait :
-
la partenaire anxieuse intensifie les demandes, ce qui désactive le système sexuel de son partenaire évitant ;
-
plus il se ferme, plus elle perçoit son corps comme inaccessible, ce qui altère son propre désir.
Ce mécanisme est neuro-émotionnel :
"Le désir exige un état de sécurité émotionnelle pour que le système de récompense s’active.
Quand le cerveau perçoit une menace relationnelle, il coupe l’accès au plaisir pour prioriser la survie émotionnelle".
Elle se sent rejetée, indésirable, et coupable de ne plus avoir envie (persuadée d’être "défaillante comme amante").
Il se sent évalué, disqualifié, et honteux de ne plus parvenir à désirer (persuadé de ne plus être un "vrai homme").
Leur corps n’est plus un lieu d’élan, mais un lieu de défense. Et un corps défensif ne peut pas être un corps désirant.
Une dynamique genrée et socialement construite
Ce pattern est particulièrement marqué dans les couples hétérosexuels car il s’enracine dans une socialisation émotionnelle différenciée :
-
les femmes sont investies de la charge du lien et de la vigilance domestique (Mosconi, 2020 ; Insee, 2023),
-
les hommes sont socialisés à dissocier sexualité vs affect et à faire du désir une preuve de performance virile.
Le sexologue Alain Héril (2019) rappelle combien le désir masculin est fragile face à la critique, car il est encore construit comme une preuve de valeur.
De son côté, le chercheur Claude Crépault (2015) montre que la sécurité affective est le socle du désir durable, bien plus que l’intensité du plaisir en soi.
Résultat :
-
la critique féminine agit comme un signal de danger qui désactive le désir masculin,
-
et le retrait masculin agit comme un signal de disqualification qui inhibe le désir féminin.
Ce n’est pas un manque d’amour : c’est un effet mécanique d’un système genré.
Comment la critique change le contexte relationnel
La critique ne détruit pas seulement le désir : elle change le contexte relationnel dans lequel le désir peut exister.
-
Au départ, la relation est un espace de jeu sensoriel : chacun peut s’abandonner, explorer, improviser.
-
Puis elle devient un espace de devoir : faire l’amour pour maintenir la paix, éviter les reproches.
-
Enfin, elle devient un espace d’évitement défensif : tout geste est perçu comme risqué, tout silence comme un verdict.
La sexologue Philippe Brenot (2017) rappelle que "le désir naît de la liberté, jamais du devoir".
Or, la critique transforme la sexualité en épreuve. Et là où il n’y a plus de liberté, il n’y a plus de jeu. Et sans jeu, l’érotisme se retire.
Dans cette optique, en thérapie de couple, je propose aux couples de recréer un espace de sensualité sans enjeu (massages, exploration sensorielle sans attente de pénétration) pour que le désir puisse revenir sans pression.
Trois visages cliniques de la glaciation sexuelle
En cabinet, cette extinction du désir prend souvent l’une de ces 3 grandes formes :
-
Évitement corporel silencieux : contacts rares, sommeil dissocié, absence de gestes spontanés.
Elle craint d’être rejetée, il a honte de désirer — mieux vaut ne plus se frôler que risquer le rejet.
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Sexualité mécanique : rapports programmés, sans affect, sans jeu, souvent sans plaisir.
Elle se sent vide, lui se sent robotisé — ils accomplissent un devoir conjugal plutôt que s’offrir l’un à l’autre.
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Aversion sexuelle progressive : le corps se ferme à l’approche de l’autre, jusqu’à ressentir du dégoût.
Elle sent la colère sourde d’être touchée sans être vue, il se sent répugnant et cesse d’oser s’approcher.
Outil clinique : le bilan des incentives sexuels
En thérapie de couple, je vais avoie recours à ce que j'appelle les incentives sexuels. Un outil pour aider le couple à repérer les signaux sensoriels, affectifs et cognitifs qui nourrissaient leur désir et qui ont disparu. L'objectif : reconstruire une grammaire consciente de leurs plaisirs.

Scène clinique : quand le désir s’éteint sous les reproches
Assise sur le bord du lit, Marion, 41 ans, dit en larmes :
- Je n’ai plus envie qu’il me touche. Dès qu’il s’approche, je me tends.
J’ai l’impression qu’il veut juste cocher une case, pas me rencontrer".
À côté d’elle, Julien garde les yeux baissés :
- "J’ai l’impression d’être noté… jamais assez spontané, jamais assez passionné. Quoi que je fasse, je suis toujours à côté de la plaque. Je n’ose plus tenter quoi que ce soit".
Quand le lit devient un tribunal silencieux ... ça vous parle ?
Le désir peut renaître
Pourtant, le désir n’est jamais définitivement mort :
il s’endort quand il n’a plus d’oxygène,
mais il peut renaître dans un climat de sécurité et de curiosité retrouvée.
Dans mes accompagnements, j’invite les couples à réapprendre à se toucher sans enjeu, à respirer ensemble, à écouter leurs corps avant leurs mots. Car le désir renaît rarement dans la tête : il renaît bien plus véritablement dans la peau.
Conséquences cliniques et symboliques
Si elle persiste, cette inhibition sexuelle liée au climat critique entraîne :
-
disparition du désir sexuel,
-
détérioration de l’image corporelle,
-
augmentation de l’anxiété sexuelle,
-
et risque élevé de rupture affective et sexuelle.
Mais au-delà du corps, c’est le souffle vital du désir qui s’éteint : le désir n’est pas seulement une pulsion : c’est une force d’élan, une manière de sentir qu’on est vivant aux yeux de l’autre. Quand il s’éteint, ce n’est pas seulement le sexe qui s’éteint : c’est une part de l’âme qui se retire...
Pour le dire autrement
Le problème est rarement là où il est pourtant nommé. Dans ma pratique professionnelle, je constate que ce n’est pas les corps qui n’ont plus de désir. C’est que les corps n’ont plus d’espace où le désir puisse respirer.
Et quand le désir cesse de respirer, le lien cesse de danser...

FAQ
1. Pourquoi les femmes critiquent-elles plus que les hommes dans le couple ?
La critique féminine n’est pas innée mais apprise : elle découle de la socialisation genrée, de la charge mentale et d’un rôle intériorisé de gardienne du lien (Mosconi, 2020).
La critique n’est pas un défaut féminin. C’est un langage imposé par l’histoire.
2. Quels sont les effets de la critique répétée sur la relation de couple ?
Chaque critique est une goutte de poison qui use l’amour et glace le désir.
La critique chronique déclenche un mécanisme de défense chez l’autre (retrait émotionnel), ce qui entretient la boucle critique/retrait et augmente le risque de rupture (Gottman, 2002).
3. Pourquoi la critique fait-elle baisser le désir sexuel ?
La critique active le système de stress (cortisol) et inhibe les mécanismes d’activation sexuelle (dopamine), ce qui freine le désir et assèche l’élan érotique (Nagoski, 2015 ; Meston, 2017).
4. Comment reconnaître la boucle critique/retrait dans un couple ?
Ce cycle se manifeste quand l’un multiplie les reproches et que l’autre se ferme ou fuit, créant un déséquilibre émotionnel et une extinction progressive du lien.
L'essentiel est d'oser quitter le tribunal pour revenir dans la danse.
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Critique : "Tu laisses toujours traîner tes affaires".
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Demande : "Peux-tu ranger tes vêtements ce soir ? Ça me donnerait du souffle".
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Critique : "Tu penses qu’à toi au lit".
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Demande : "J’aimerais que tu restes plus longtemps à l’intérieur, c’est là que je peux vraiment te rejoindre".
La critique humilie. La demande invite.
5. Peut-on retrouver le désir après des années de critiques ?
Oui. Le désir n’est jamais définitivement mort : il renaît dans un climat de sécurité émotionnelle, de curiosité et de redécouverte sensorielle (Crépault, 2015).
6. Comment arrêter de critiquer son partenaire ?
En identifiant le besoin sous-jacent à la critique et en le formulant comme une demande vivante, plutôt qu’un reproche. Un accompagnement thérapeutique aide à ce recadrage.
7. Peut-on sauver un couple abîmé par trop de critiques ?
Oui, mais pas seul. La critique installée est un poison quotidien. Elle use le lien, ferme les corps, étouffe l’érotisme. Beaucoup de couples finissent ainsi : deux solitudes allongées côte à côte dans un lit glacé.
Mais avec un accompagnement, les critiques peuvent redevenir des demandes, les attaques se transformer en caresses, et le couple retrouver sa vitalité amoureuse et sexuelle.
Chaque critique non transformée est un clou de plus dans le cercueil du couple.
8. Quelle thérapie choisir pour sauver son couple de la critique ?
Une thérapie de couple intégrative (psycho-corporelle, systémique, sexologique) permet de sortir des rôles figés, de restaurer la régulation émotionnelle et de rallumer le désir.
9. Pourquoi est-ce si difficile pour les femmes de demander directement ?
Parce qu’on ne leur a jamais appris. Dans beaucoup de familles, elles ont plus entendu leur mère critiquer leur père qu’exprimer un désir. La critique devient alors, pour ainsi dire, une langue transgénérationnelle.
Dire "J’ai besoin de toi", c’est briser un script ancien, c’est reprendre son pouvoir.
Transformer une critique en demande, ce n’est pas être sage. C’est être libre.
10. Les hommes critiquent-ils aussi dans le couple ?
Oui, mais différemment. Ils critiquent moins le ménage, mais plus la sexualité : "Tu n’as jamais envie", "Tu ne prends pas d’initiative".
Le résultat est le même : honte, blocage, désir qui s’éteint. Là encore, derrière le reproche, il y a une peur : "Suis-je encore désiré ?". Mais mal formulée, cette peur devient une arme de destruction intime.
Conclusion
Ils ne savent plus comment ils en sont arrivés là.
Elle se crispe pour exister.
Il se ferme pour survivre.
Et entre eux, le feu qui les unissait s’est transformé en cendres froides.
Ce n’est pas qu’ils ne s’aiment plus. C’est qu’ils ont cessé d’avoir un espace où leur amour puisse respirer.
Jour après jour, les reproches ont remplacé les gestes, la vigilance a étouffé la tendresse et le désir, privé d’oxygène, s’est retiré en silence.
Ce n’est pas l’amour qui manque. C’est l’espace.
Dans cet article, nous avons identifié les trois grands cercles où s’épuise l’amour :
-
le rôle de gardienne qui épuise le féminin,
-
la boucle critique/retrait qui asphyxie la relation,
-
et la glaciation sexuelle qui éteint le désir.
Comme on l'a vu, ce n’est pas un dysfonctionnement individuel. C’est un système qui s’est figé, pièce après pièce, étape après étape, jusqu’à ce que le lien devienne un champ de ruines défensives.
Et c’est précisément ce que je vous propose de dépasser, pas à pas, ensemble.
Je ne "répare" pas les couples.
J’accompagne celles et ceux qui sont au bord du silence à retrouver le souffle de leur lien. À déposer les rôles hérités, sortir du duel et retrouver le duo. C’est ce que nous faisons dans mes accompagnements :
-
en séances de couple (1h),
-
ou dans le parcours profond « Voyage au cœur de Soi » (10 séances de 1h30),
pour libérer les blessures, régénérer le désir, et redonner à votre lien sa vitalité.
Si vous êtes au bord du silence, je vous accompagne sur ce chemin de conscience pour réapprendre à aimer.
En solo ou en thérapie de couple : https://www.neosoi.fr/
Un couple n’a pas besoin d’être parfait.
Il a besoin d’être vivant.
Bibliographie
-
Bessière, C., & Gollac, S. (2020). Le genre du capital. Paris : La Découverte.
-
Brenot, P. (2017). Les hommes, le sexe et l’amour. Paris : Les Arènes.
-
Crépault, C. (2015). La sexualité humaine (4ᵉ éd.). Québec : Presses de l’Université Laval.
-
Guédeney, N., & Guédeney, A. (2016). L’attachement : concepts et applications (3ᵉ éd.). Paris : Masson.
-
Héril, A. (2019). Les hommes et l’amour : voyage au cœur du masculin. Paris : Payot.
-
Insee. (2023). Femmes et hommes : l’égalité en question (édition 2023). Paris : Insee Références.
-
Meston, C. M., & Buss, D. M. (2009). Pourquoi les femmes font-elles l’amour ? Paris : Robert Laffont.
-
Meston, C. M. (2017). L’énigme du désir féminin. Paris : Éditions Odile Jacob.
-
Molinier, P. (2022). Le travail du care. Paris : La Dispute.
-
Mosconi, N. (2020). Femmes et savoir : la société, l’école et la division sexuelle des savoirs. Paris : L’Harmattan.
-
Nagoski, E. (2015). Tout sur le désir féminin (Come as You Are). Paris : Éditions Marabout.
-
Persiaux, G. (2018). Guérir des blessures d’attachement. Paris : Eyrolles.
-
Wiart, Y. (2016). La théorie de l’attachement : entre dépendance et autonomie. Paris : Odile Jacob.
-
Gottman, J. M., & Levenson, R. W. (2002). A two-factor model for predicting when a couple will divorce: Exploratory analyses using 14-year longitudinal data. Family Process, 41(1), 83–96.

NeoSoi - Dr Céline BERCION - psychologue sociale et systémique, thérapie de couple et sexothérapie - Bordeaux et visio
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