Grandir avec une mère borderline : l'amour à double tranchant. De l’amour blessé à la reconstruction intérieure
Léo vient me voir en thérapie de couple… en solo
Léo a 48 ans. Il entre pour la première fois dans mon cabinet, le regard fuyant, le pas hésitant. Son corps parle autant que ses mots : une tension dans les épaules, une respiration courte, une envie de disparaître sous l'apparence d'une conversation ordinaire.
"C'était censé être une thérapie de couple… Mais elle ne veut pas venir. Elle dit que je suis trop intense. Que je suis impossible à aimer." souffle-t-il d'une voix retenue.
Derrière ce récit, au-delà de la situation conjugale actuelle, une blessure plus ancienne affleure : celle d’un amour maternel instable, où l’enfant apprend très tôt à douter de sa valeur, à se méfier même de ce qui est censé nourrir.
A mesure que Léo déroule son histoire, les fragments se rassemblent : une mère tantôt exaltée, tantôt glaciale, une enfance faite de montagnes russes émotionnelles, un sentiment tenace de n’être jamais "assez bien" pour mériter l'amour. Une mère qui l'adorait un jour, puis le rejetait le lendemain sans explication.
Une mère qui pleurait en lui disant qu'il était sa seule raison de vivre… puis qui l'accusait d'être un poids, un mauvais fils, un ingrat.
Un jour, il a compris que quoi qu’il fasse, ce ne serait jamais suffisant. Et pourtant, il a passé sa vie entière à essayer.
Léo n’est pas un cas isolé. Ce qu’il vit dans son couple aujourd’hui est une cicatrice ancienne : celle d’avoir grandi avec une mère souffrant de traits borderline.
Boris Cyrulnik, dans ses travaux sur l’attachement désorganisé, décrit ce paradoxe fondamental : l’enfant aspire au lien, tout en le craignant. Léo incarne aujourd'hui, dans ses amours adultes, ce tiraillement silencieux entre la soif de fusion et la peur viscérale d'être dévoré.
Ainsi commence sa traversée à mes côtés ...

Grandir avec une mère présentant des traits borderline : entre fusion anxieuse et abandon brutal
Un amour instable et terrifiant
Il est important de le dire d’emblée : une mère ayant des traits borderline n'est pas "mauvaise". Elle est avant tout profondément en souffrance et traversée par des peurs viscérales d'abandon. Et cette souffrance, non régulée, se déverse malgré elle sur ses enfants.
Toutes les mères ayant des traits borderline ne souffrent pas d'un trouble complet de personnalité borderline. Parler de "traits" signifie évoquer certaines tendances émotionnelles instables, sans enfermer la personne dans une étiquette psychiatrique.
Jean Bergeret, dans ses travaux de référence (La personnalité borderline), décrit cette structure comme marquée par une instabilité identitaire, une hyperréactivité émotionnelle, une difficulté majeure à maintenir des liens stables sans angoisse de perte.
Chez une mère ayant des traits borderline, on observe souvent :
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une hypersensibilité émotionnelle extrême,
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une peur panique d’être seule,
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une difficulté à maintenir des liens stables,
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des mouvements rapides entre idéalisation ("Tu es tout pour moi") et dévalorisation ("Tu me déçois toujours").
À travers ces traits, l’enfant grandit dans une tension émotionnelle constante. L’amour devient imprévisible, conditionnel, parfois même destructeur. Parfois, l'amour déborde, fusionne, étouffe. D'autres fois, l'amour s'effondre, se retire, glace. La relation est marquée par des oscillations constantes entre une fusion passionnelle et un rejet brutal, créant ainsi un lien insécure désorganisé chez l’enfant (Bowlby, 1969 ; Main & Solomon, 1990). Tour à tour hyper-présente et violemment absente, la figure maternelle rend toute forme de sécurité affective impossible. L’amour reçu est ressenti comme à la fois vital et potentiellement mortel :
- il nourrit, mais il consume ;
- il apaise, mais il détruit.
Selon Otto Kernberg (2006), le trouble de la personnalité borderline se caractérise par une incapacité à maintenir des représentations cohérentes de soi et d'autrui, ce qui se traduit, au niveau relationnel, par un clivage affectif permanent : l'autre est soit tout bon, soit tout mauvais, sans possibilité d'intégration.
La frontière entre soi et l’autre devient floue. L’identification projective est souvent à l'œuvre : la mère, incapable de contenir sa détresse interne, la projette inconsciemment sur l’enfant, qui porte alors des émotions qui ne lui appartiennent pas. C’est ce que Didier Lauru éclaire dans ses travaux sur la faille narcissique : la difficulté de certaines mères à reconnaître l’enfant comme un être distinct, non comme un prolongement d'elles-mêmes.
Ainsi, l’enfant apprend à s’ajuster sans cesse aux attentes implicites, au détriment de son propre développement émotionnel.

Ce que cela fait à l’enfant : vivre dans l’instabilité émotionnelle chronique
Grandir avec une mère ayant des traits borderline, c’est vivre dans un monde émotionnel sans carte ni boussole. Chaque jour peut être une fête ou une tempête. Chaque regard peut signifier un amour infini ou un rejet glacial. Chaque mot peut être un "je t’aime" ou un "tu me déçois", sans avertissement, sans transition.
L’enfant ne sait jamais sur quel sol il pose ses pas. Alors, il développe des stratégies invisibles pour tenter de survivre émotionnellement :
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Hypervigilance extrême : capter le moindre signe d'irritation, de retrait ou de colère pour tenter d’anticiper l’effondrement du lien.
Comme l’évoque Serge Tisseron, cet état d’hyperréceptivité émotionnelle devient un mode de fonctionnement interne, au prix d’une immense fatigue psychique. -
Confusion émotionnelle : quand l'amour et la douleur viennent de la même personne, l’enfant perd ses repères fondamentaux. Il ne sait plus reconnaître ce qu’il ressent, ce qui est juste, ce qui est dangereux. Il s’auto-efface pour éviter d’être rejeté. Il va anesthésier ses propres besoins pour rester acceptable.
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Parentification précoce : très tôt, l’enfant prend soin de l'adulte blessé au lieu d’être pris en charge lui-même. Il devient le réceptacle silencieux des angoisses maternelles.
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Faux self : comme décrit par Donald Winnicott, l'enfant développe un "faux self" : un masque, une façade adaptée aux attentes de l’autre, pour préserver la relation à tout prix. Il apprend à être ce que l’on attend, plutôt que ce qu’il est.
Néanmoins, derrière ces stratégies, l’enfant porte une douleur silencieuse : celle d’avoir appris que son existence même était dangereuse pour l’amour. Isabelle Filliozat (Les blessures du cœur, 2018) rappelle combien ces environnements émotionnellement invalidants façonnent des adultes en proie à l'auto-dévalorisation permanente.
C'est dans cet environnement instable que l’attachement désorganisé va s’installer : la figure qui devrait apaiser devient source de peur. Le besoin d’amour et la peur du rejet cohabitent dans une tension intenable. L’enfant grandit sans socle intérieur solide, sans certitude d’être digne d’amour simplement en étant lui-même.

L’héritage adulte de cette enfance fracassée
À l’âge adulte, cette blessure se traduit par une :
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Dépendance affective exacerbée : besoin vital d'être fusionné.e à l’autre.
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Retrait émotionnel extrême.
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Auto-sabotage relationnel : peur d’être abandonné et terreur d’être envahi.
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Identité floue : difficulté à savoir qui l'on est en dehors du regard des autres.
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Instabilité émotionnelle dans le lien : passages rapides de l'idéalisation à la dévalorisation.
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Sentiment inconscient de ne pas mériter l'amour (Hirigoyen) / de ne pas "être fait pour l'amour"
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Angoisse d'abandon : terreur panique devant toute prise de distance.
Jérôme, 42 ans : « Si ma compagne ne répond pas à mon SMS dans l'heure, je suis persuadé qu’elle ne m’aime plus. Alors je coupe tout, je la rejette avant d’être rejeté. »
C'est dans ce sens que Saverio Tomasella (2020) souligne que l'hypersensibilité d'origine traumatique s'accompagne d'une instabilité relationnelle durable si elle n'est pas reconnue. À l'âge adulte, ces blessures invisibles se manifestent de manière subtile mais déterminante.
Néanmoins, et je le constate tous les jours en consultation, il est important de comprendre que ces mécanismes, bien que douloureux, révèlent aussi une capacité extraordinaire d’adaptation, de sensibilité et de profondeur relationnelle.

Résonances dans le couple et la sexualité à l'âge adulte
Dans les relations amoureuses, l’adulte ayant grandi avec une mère aux traits borderline vit alors une oscillation permanente :
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Chercher la fusion totale,
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Fuir à la première peur d’abandon.
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L’amour devient à la fois un besoin vital et une source d'angoisse ;
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La moindre distance affective ravive la peur archaïque de l’abandon.
La sexualité devient alors le prolongement de cette dynamique émotionnelle :
- Recherche d’une fusion émotionnelle à travers l’acte sexuel,
- Angoisse du rejet après l'intimité physique,
- Hypervigilance corporelle pendant l'amour, rendant difficile la détente.
C'est le cas de Lucie, 37 ans : « Je peux être hyper passionnée pendant l’acte, mais après, je panique. Je me sens vide, abandonnée, comme si l’amour avait été englouti. »
Dans le travail :
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La personne peut osciller entre suradaptation épuisante et retrait protecteur.
L'enfant intérieur et les blessures qui se rejouent à l'âge adulte
Au-delà des symptômes visibles, c’est en fait un enfant blessé qui continue de chercher, en silence, un amour sécurisant. Et pour ce faire, cet enfant a développé des trésors de créativité pour survivre :
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Adapter ses émotions.
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Se couper de ses besoins.
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Se faire tout petit pour éviter la douleur.
A ce sujet, Boris Cyrulnik rappelle que ces stratégies sont, avant tout, des actes de sagesse intérieure.
Peut-être qu'en lisant ces quelques lignes vous vous interroger sur vos propres comportements actuels. Pour y voir plus clair, je vous invite à vous poser ces quelques questions :
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Craignez-vous d’être "trop" dans vos relations ? Reconnaître ces schémas est la première étape vers la réparation.
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Vous sentez-vous coupé.e de vos besoins profonds par peur de perdre l’autre ?
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Portez-vous un sentiment diffus de faute sans comprendre pourquoi ?
A travers un travail thérapeutique intégratif, il est possible d’apprendre à aimer sans se perdre, à désirer sans implorer, à habiter son corps comme un espace libre et non comme un outil pour survivre émotionnellement.

La voie de la guérison : comment sortir du schéma répétitif
Guérir commence par reconnaître sans culpabilité la profondeur des blessures. Et dans mon approche intégrative, j’accompagne ce processus avec différents outils :
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La réparation de l’attachement avec un travail sur l'enfant intérieur notamment,
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Le travail du corps (TRE, EMDR, etc.)
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Des techniques pychocorporelles comme la respiration consciente (respiration holotropique),
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L’exploration des archétypes de l’ombre (shadow work),
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La libération émotionnelle par le rituel et la symbolique.
Peu à peu, il devient alors possible de :
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Se reconnaître comme digne sans condition.
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Tisser des liens apaisés et libres.
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Reconnecter à son espace créateur intérieur.
Guérir, c’est retrouver sa souveraineté d’Être
Conclusion
Fort heureusement, l’histoire ne s’arrête pas aux blessures. Elle peut même devenir la trame d’une renaissance par un vrai travail de conscience de soi. Ce que Léo, au fil de son cheminement, a commencé à expérimenter puis incarner, c'est non plus quémander l’amour mais être une source d’amour pour lui-même.
Guérir son lien d’attachement, c’est ainsi ouvrir la porte à sa mission de vie véritable : retrouver la capacité d’aimer, de choisir, de créer depuis un lieu d’ancrage profond.
Tu n’es pas la somme de tes blessures.
Tu es l’espace où la vie peut recommencer,
plus vaste, plus libre, plus vrai.
Si ces mots résonnent en vous et que vous sentez l'appel de réparer votre lien intérieur, je vous invite à découvrir mon accompagnement personnalisé. Je vous accompagne dans cette traversée avec douceur et profondeur.
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NeoSoi - Dr Céline BERCION - psychologue sociale et systémique, thérapie de couple et sexothérapie - initiatrice des grandes traversées de vie
36 avenue Roger Cohé
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