Le nerf vague, ce grand oublié de l’amour : comprendre la théorie polyvagale pour apaiser le lien
En couple, il y a ce moment, si banal et pourtant si décisif : un souffle qui se coupe, un regard qui glisse, un ton de voix un peu trop sec. Et soudain, votre système nerveux autonome s’emballe. Votre poitrine se serre, votre gorge se bloque, votre ventre tire. Votre nerf vague ventral se rétracte et l’intimité émotionnelle disparaît en quelques secondes.
Ce n’est pas "vous".
Ce n’est pas "l’autre".
C’est votre régulation émotionnelle polyvagale qui bascule.
Selon la théorie polyvagale, développée par Stephen Porges et approfondie dans la clinique corporelle par Evelyn Joss (notamment), votre capacité à aimer dépend d’abord de la manière dont votre corps perçoit (ou croit percevoir) la sécurité ou le danger. Bien avant vos pensées. Bien avant vos intentions. Bien avant vos mots.
Dans mon cabinet, je vois chaque jour des femmes et des hommes qui disent :
"Dès que je sens un reproche, même léger, c’est comme si tout s’éteignait en moi".
"Quand il hausse la voix, mon corps disparaît. Je flotte au-dessus de moi. Je l’entends parler, mais je ne peux plus lui répondre".
"Dès qu’il approche, mon ventre se ferme, ma gorge se noue, mon bassin se fige. J'ai envie de disparaître".
"Je veux rester calme. Mais mon cœur cogne tellement que je ne comprends plus rien, je n’entends plus rien, je ne suis déjà plus là".
Et la réponse est souvent là : ce n’est pas un problème de couple, c’est un système nerveux en survie. Un corps qui a perdu sa sécurité intérieure ne peut plus accueillir l’autre. Un nerf vague dérégulé coupe le désir, l’écoute, la sensualité, la curiosité, la nuance. Un stress relationnel, même minime, peut déclencher une fuite, une attaque ou un figement.
Si vous voulez comprendre pourquoi votre corps se ferme alors que votre cœur voudrait s’ouvrir, si vous voulez savoir comment activer votre nerf vague ventral (et du coup prendre conscience pourquoi les méditations petit bambou peuvent être contre-productives), si vous cherchez à retrouver la sécurité dans votre lien alors soyez bienvenu.e dans cet article.
Parce qu’en vérité, dans bien des situations, ce n’est pas que vous n’aimez plus, c’est que votre corps n’a plus les conditions pour aimer. Et, fort heureusement, cela se réapprend.
1. Quand votre système nerveux bloque l’amour sans prévenir
Cela vous est déjà probablement arrivé : une phrase un peu tendue, un regard qui glisse, un souffle plus court chez l’autre… et votre système nerveux autonome bascule. Votre gorge se ferme. Votre ventre se contracte. Votre poitrine se fige. Votre souffle se coupe. Votre cœur s’emballe ou se vide.
Comme vous pouvez le constater, ce n’est pas votre volonté qui réagit. C’est votre corps. Et il réagit avant vous, qu’importe votre niveau de conscience, d’intelligence, d’évolution personnelle ou spirituelle.
Stephen Porges, créateur de la théorie polyvagale, nous le dit sans détour : "le système nerveux répond avant que nous sachions à quoi nous répondons".
Autrement dit : nos réactions dans le couple ne disent pas qui vous êtes ; elles disent avant tout et surtout dans quel état vous êtes.
Et cet état, nous le vivons tous, sans exception. Nous passons tous, plusieurs fois par jour, par les trois états du système nerveux, à savoir le vagal ventral, le vagal sympathique et le vagal dorsal :
- Les personnes équilibrées → basculent plusieurs fois par jour en ventral, sympathique, dorsal comme tout le monde.
ET ... -
Les personnes hypersensibles → basculent plus vite.
-
Les personnes blessées dans l’attachement → basculent plus fort.
-
Les personnes traumatisées → basculent sans comprendre pourquoi.
Toutes les relations (même les plus stables, les plus aimantes, les plus conscientes) sont ainsi gouvernées par un élément invisible : le système nerveux autonome. La théorie polyvagale n’est donc pas une théorie pour les personnes "traumatisées". C’est tout simplement la théorie de l’anatomie relationnelle de l’être humain.
Selon Stephen Porges, créateur de la théorie polyvagale, "nos interactions humaines ne dépendent pas d’abord de notre volonté, mais de notre état neurophysiologique".
Autrement dit : ce que vous ressentez dans votre couple n’est pas une question d’amour ou de volonté, mais d’état interne. Et cette réalité concerne tout le monde, pas seulement les personnes traumatisées. La différence, c’est que les personnes ayant vécu un trauma, un attachement insécure / désorganisé, ou encore un stress chronique basculent plus vite, plus fort et plus longtemps dans les états de survie.
Leur système nerveux est plus hypervigilant, leur neuroception plus fine, leur seuil de sécurité plus fragile.
Mais la mécanique est universelle.
1.1 Le nerf vague ventral : l’état où l’amour peut respirer
Quand le nerf vague ventral est actif, vous vous sentez :
-
connecté·e,
-
capable d’écouter,
-
curieux·se,
-
stable,
-
ouvert·e à l’intimité émotionnelle et sexuelle.
-
votre regard s’adoucit,
-
votre voix devient stable et chaude,
-
votre respiration descend dans le ventre,
-
votre cœur s’ouvre,
-
votre bassin peut s’assouplir.
Votre respiration est plus lente. Votre regard est plus doux. Votre voix se fait plus chaleureuse.
Deb Dana parle de cet état comme celui du "pays du nous" ou encore celui de "la maison du lien", celui où la relation devient simple, vivante, organique. C’est le seul endroit où la relation peut se construire.
Où la sexualité peut s’ouvrir.
Où la nuance est possible.
Où la connexion se ressent jusque dans la peau.
Dans cet état, même les conversations difficiles un espace d’ajustement. Dans cet état, le corps dit "oui". Le désir alors peut naître naturellement, sans pression. Le couple devient ainsi un refuge.
1.2 L’activation sympathique : lorsque le lien devient une menace
Parfois, il suffit d’un rien : un ton sec, un reproche, un pas de trop. Et hop, votre organisme passe en réponse sympathique :
-
cœur qui cogne,
-
mâchoire tendue,
-
phrases qui sortent trop vite,
-
regards tranchants,
-
pensées qui s’emballent.
Par exemple :
"Je veux rester calme… mais mon cœur cogne tellement que je ne comprends plus rien".
Porges l’explique très bien : "quand la neuroception détecte un danger, nous perdons l’accès aux compétences sociales".
Ce n’est pas un défaut de communication. Ce n’est pas un mauvais caractère. C’est une réponse de survie. C’est ce que l'on appelle une activation polyvagale de survie.
Van der Kolk le rappelle avec vigueur et tellement de justesse : "quand le système nerveux est en alerte, nous perdons l’accès aux parties de nous capables d’aimer".
En d'autres termes, le partenaire n’est pas le problème. L’état interne l’est.
1.3 Figement dorsal : quand le corps se retire pour survivre
Le dorsal, ce n’est pas du calme : c’est de l’éteint. Quand le système nerveux bascule en vagal dorsal, le corps :
-
coupe l’énergie,
-
coupe le ressenti,
-
coupe l’élan,
-
coupe la présence,
-
coupe le lien.
C’est un mode d’économie totale. Un dernier recours. Dans cet état, on ne peut rien "faire" : ni réfléchir, ni respirer calmement, ni se connecter à soi. Le corps est hors service. C’est un anesthésique interne qui se produit lorsque l’activation devient trop forte, trop rapide ou encore trop chargée d’histoire :
-
tout s’éteint,
-
la sensation se retire,
-
le désir disparaît,
-
la présence se dissout,
-
la parole devient impossible.
Evelyn Joss appelle cela "la disparition intérieure".
En séance, une femme parlait très bien de cet état en ces termes : "dès qu’il élève la voix, mon énergie tombe. Je me vide. Je ne suis plus là. J'ai envie de disparaître".
Dans cas, c’est ce que l'on appelle un shutdown neurophysiologique.
Freeze vs Shutdown : comment reconnaître un nerf vague bloqué dans le dorsal ?
Comprendre la différence entre freeze et shutdown est essentiel pour identifier un nerf vague bloqué, sortir du figement dorsal et commencer la rééducation vagale.
Les deux états appartiennent au système nerveux autonome, mais ils ne demandent pas du tout les mêmes pratiques pour retrouver la sécurité intérieure (Cf. partie 4 et 5).
FREEZE — Immobilité sous tension (vagal dorsal + hypervigilance)
C’est un figement actif, typique des personnes en stress élevé, trauma relationnel ou surcharge émotionnelle.
Signes du freeze (symptômes fréquents) :
-
respiration courte, bloquée,
-
muscles tendus,
-
hypervigilance,
-
pensées en boucle,
-
émotions intenses mais figées,
-
incapacité à agir,
-
sensation d’être "en alerte mais coincé".
Freeze = immobilité avec tension.
État lié au trauma, au stress chronique et au conflit internalisé.
SHUTDOWN — Immobilité par effondrement (vagal dorsal profond)
C’est un figement passif, lié à une surcharge prolongée, une neuroception de danger écrasante ou un vécu traumatique non traité.
Signes du shutdown (symptômes typiques) :
-
fatigue extrême,
-
absence de désir ou de motivation,
-
froideur corporelle,
-
dissociation,
-
vision floue,
-
sensation de vide,
-
retrait social, "avoir envie de disparaître",
-
impression "d’être loin de soi".
Shutdown = immobilité avec absence de tonus.
État fréquent en burn-out émotionnel, trauma de l’enfance ou surcharge relationnelle.
La différence simple pour identifier son état :
Freeze = trop plein, trop tendu, trop conscient.
Shutdown = trop vide, trop loin, plus d’énergie.
Pour sortir d’un nerf vague bloqué :
-
Freeze → privilégier la mobilisation douce : mouvement, respiration active, tapping, ancrage.
-
Shutdown → privilégier la réassurance lente : chaleur, rythme lent, co-régulation, respiration basse.
Ces distinctions sont au cœur de la théorie polyvagale et des approches de rééducation vagale que nous verrons en partie 4 et 5 (Cf. Deb Dana, Evelyn Joss, Stephen Porges).
1.4 Systémie polyvagale : vous ne réagissez jamais seul·e
Et dans le couple, nos états internes se répondent, se renforcent, se neutralisent parfois.
-
Le ventral de l’un apaise le sympathique de l’autre.
-
Le dorsal de l’un peut aspirer l’autre vers le vide.
-
L’hypervigilance de l’un réveille les blessures de l’autre.
-
L’attaque de l’un pousse l’autre au figement.
-
Le silence de l’un ravive la peur d’abandon de l’autre.
Ce sont des boucles. Des chorégraphies automatiques. Des danses de survie inconscientes je dirais même.
D'ailleurs, Porges l’a résumé ainsi : "nos systèmes nerveux se parlent avant que nos mots ne le fassent".
Autrement dit, vous ne réagissez pas à ce que l’autre dit. Vous réagissez avant tout à l’état polyvagal dans lequel il est. Et lui réagit au vôtre. Dans un couple, ce ne sont pas deux personnes qui se parlent. Ce sont deux systèmes nerveux, formés par :
-
deux enfances,
-
deux attachements,
-
deux traumas,
-
deux manières de respirer,
-
deux manières d’aimer.
Quand l’un s’active : l’autre s’adapte.
Quand l’un se fige : l’autre s’inquiète.
Quand l’un réclame : l’autre fuit.
Quand l’un panique : l’autre se coupe.
Ce n’est pas volontaire. C’est systémique. C’est vivant. C’est automatique. C’est archaïque.
C’est pourquoi certains couples s’épuisent : ils s’aiment… mais leurs systèmes nerveux ne se reconnaissent plus.
Dans ma pratique, je relie la théorie poyvagale avec la théorie sur les styles d'attachement pour comprendre et accompagner les couples à la fois sur le corps, la sexualité, le coeur et le mental.
1.5 La révélation qui transforme tout
Non vous n’êtes pas "trop sensible". Non, vous n’êtes pas "difficile". Non, vous n’êtes pas "compliqué·e".
Votre partenaire non plus.
Vous n’êtes pas dysfonctionnel·le : vous êtes en survie. Et survivre n’est pas aimer.
La bonne nouvelle ?
Un système nerveux se rééduque, se réaccorde, se réouvre. La sécurité s’apprend. Le lien se restaure. Le désir renaît lorsque le corps retrouve son "oui".
Evelyn Joss le dit merveilleusement bien : "quand la sécurité revient, l’amour revient aussi. Toujours".
2. Pourquoi vous réagissez trop vite : quand votre histoire parle plus fort que le présent
Votre système nerveux autonome ne réagit jamais au présent seul. Il réagit à ce que votre corps a déjà vécu.
La théorie polyvagale le répète depuis plus de 15 ans maintenant : la neuroception n’évalue pas la réalité objective, elle compare le présent à l’histoire.
Stephen Porges le dit très clairement : "la neuroception est un détecteur de souvenirs corporels".
Un mot trop sec. Un regard qui se détourne. Une main qui ne répond pas. Une nuance dans la voix... Et votre corps réagit à votre passé, pas à la situation.
2.1 Quand le système nerveux lit le danger dans ce qui n’en est pas un
Vous pouvez aimer profondément votre partenaire… et sentir parfois soudainementvotre ventre se nouer, votre gorge se serrer, votre souffle se couper.
Ce n’est pas vous. C’est votre neuroception.
Ce que je peux entendre au cabinet reflète exactement cela : "quand il hausse un peu la voix, c’est mon père qui réapparaît. Je ne le vois plus, lui. Je revois mon enfance" ; "dès qu’elle se tait trop longtemps, j’ai l’impression qu’elle va partir. Mon cœur se ferme avant même que je comprenne".
La neuroception traumatique agit en millisecondes. Elle recompose une scène entière à partir d’un seul indice.
-
Un soupir → abandon.
-
Un silence → rejet.
-
Une proximité → intrusion.
-
Une distance → insécurité.
Le corps se souvient. Toujours.
2.2 Quand le trauma accélère tout : activation sympathique et figement dorsal
Pour Gabor Maté, le trauma n’est pas l’événement. Le trauma, c’est l’endroit où vous avez dû vous quitter pour survivre. Et c’est exactement ce que le dorsal fait :
-
couper la sensation,
-
couper le ressenti,
-
couper la vérité intérieure,
-
couper l’envie,
-
couper le lien authentique.
Maté dirait donc que le passage par le sympathique n’est pas seulement physiologique, il est avant tout existentiel : c’est le moment où l’on revient là où l’on s’était abandonné.
Il écrit à ce sujet que la guérison, c’est un retour à soi. C'est dire l'importance de se libérer au niveau corporel !
En fait, le trauma ne crée pas la réaction. Il accélère la transition entre les états polyvagaux. C’est ça que vivent beaucoup de couples sans le savoir. Ce n’est pas une métaphore. C’est une réalité biologique.
-
Un passé lourd ferme la sensation.
-
Un passé intrusif ferme le plaisir.
-
Un passé humiliant ferme le désir.
-
Un passé abandonné ferme l’élan.
Evelyn Joss le dit magnifiquement : "le corps traumatisé n’attend pas un danger réel. Il réagit à la possibilité du danger".
Ce qui veut dire que vous pouvez être en couple avec quelqu’un de doux, stable, aimant… et pourtant réagir comme si vous étiez face à une menace. Pourquoi ? Parce que la neuroception lit :
-
le micro-froncement de sourcils,
-
le souffle plus court,
-
la micro-absence,
-
la variation de ton,
-
la posture fermée.
Tout devient un indice. Tout devient un souvenir.
2.3 La sexualité : l’endroit où le système nerveux parle le plus fort
70 % des difficultés du désir féminin sont liées à la sécurité émotionnelle (Brenot, Les hommes, le sexe et l'amour, 2017).
Le nerf vague est LE véritable chef d’orchestre de l’intimité. Quand il se dérégule, la sexualité se dérègle aussi.
-
Le sympathique crée un sexe "performé", une excitation sans présence.
-
Le dorsal éteint le désir, retire la sensibilité, ferme le bassin.
-
La surcharge traumatique provoque sécheresse, douleur, érection fragile, dissociation, impossibilité de recevoir une caresse.
Ce n’est pas un problème de libido. C’est un problème de sécurité neurophysiologique.
Comme nous le montre Evelyn Joss : le bassin obéit au nerf vague, pas à la volonté.
Voilà pourquoi le désir ne revient pas avec des efforts ou de la technique sexuelle… mais avec la sécurité.
Dans la sexualité, tout se voit. Tout ce que les mots n’avouent pas, le corps le dit. Quand le système nerveux est en danger :
-
le bassin se verrouille,
-
la vulve perd sa chaleur,
-
le clitoris se déconnecte,
-
l’érection se dissipe,
-
la lubrification chute,
-
la pénétration devient impossible ou douloureuse,
-
le plaisir se retire comme une marée basse,
-
la présence disparaît et le mental prend toute la place.
Ce n’est pas un problème de désir. Ce n’est pas un problème hormonal. Ce n’est pas un problème de confiance. C’est un problème de sécurité vagale.
Ce n’est pas un débat. C’est une évidence clinique. Tant que le corps se protège, la sexualité ne peut pas être vivante.
2.4 Le mécanisme que personne n’explique aux couples
La plupart des partenaires croient qu’ils se disputent sur :
-
un sujet,
-
un comportement,
-
une phrase,
-
un détail.
En réalité : ils réagissent à la sensation interne que l’autre provoque en eux.
Pas à l’autre. Pas au présent. Pas au contenu. Juste à la mémoire du corps. Et c’est là que tout se joue.
3. Comment retrouver un corps qui peut aimer : le nerf vague comme voie de guérison
La plupart des gens pensent que la guérison vient de la compréhension. Mais le système nerveux ne guérit pas parce qu’on a compris ; il guérit quand il fait l’expérience, enfin, d’un endroit où il peut se déposer.
Dans cette partie, nous quittons la théorie. Nous quittons les explications. Nous quittons la mécanique.
Nous entrons dans l’expérience. Parce que c’est là que commence la rééducation du système nerveux : dans le souffle, dans la peau, dans le regard de l’autre, dans la lenteur, dans la conscience qui s’incarne.
3.1 Quand Porges dit "sécurité", Joss répond "sensation"
Stephen Porges rappelle toujours que la sécurité est un état neurophysiologique : "le ventral est LA plateforme de tout engagement humain".
Et Evelyn Joss nous invite à aller encore plus loin : "un corps ne sait pas qu’il est en sécurité tant qu’il ne le ressent pas".
Et elle a raison. La sécurité ne se dit pas. Elle ne se pense pas. Elle ne s’explique pas. Elle se sent.
-
dans un diaphragme qui se dénoue,
-
dans un bassin qui redevient habité,
-
dans une nuque qui cesse de se contracter,
-
dans une peau qui retrouve sa chaleur,
-
dans une poitrine qui respire sans se défendre.
Et c’est ce passage, du concept à la sensation, qui transforme tout dans les accompagnements que je fais quotidiennement.
3.2 Quand la sécurité devient un art relationnel (Deb Dana)
Deb Dana dit : "nous nous régulons d’abord par l’autre. Toujours".
C’est simple, mais radical.
-
La façon dont l’autre vous regarde régule votre gorge.
-
La façon dont l’autre vous touche régule votre diaphragme.
-
La façon dont l’autre respire régule votre ventre.
-
La façon dont l’autre vous parle régule votre nerf vague.
La sécurité est mutuelle, pas individuelle.
Elle est co-créée.
Je dis souvent que c’est un art : l’art d’être un lieu où l’autre peut revenir à lui-même.
3.3 La co-régulation : deux systèmes nerveux qui s’accordent (vraiment)
Quand un couple guérit, ce n’est pas parce qu’il "communique mieux". C’est parce que :
-
les souffles se synchronisent,
-
les regards deviennent stables,
-
les voix deviennent chaudes,
-
les corps cessent d’anticiper une attaque,
- les gestes ralentissent,
- le corps retarde la bascule en fuite/attaque/figement,
-
les frontières deviennent claires,
-
la présence devient fiable.
Ce n’est pas spectaculaire. C’est une musique. Une chorégraphie. Une danse lente et intelligente où chacun devient un repère pour l’autre.
C’est ce que dit Deb Dana : "nous survivons seuls. Nous nous épanouissons ensemble". J'adore cette phrase.
Le vrai tournant n’est pas une grande prise de conscience. C’est ce moment précis où quelqu’un se rend compte : "je peux rester là, même si c’est intense. Je ne me ferme pas".
C’est la preuve que :
-
le trauma n’est plus le pilote automatique,
-
le dorsal n’est plus le refuge,
-
l’autre n’est plus lu comme une menace,
-
l’intimité devient possible sans coût énergétique,
-
le retour au lien n’est plus dangereux.
À partir de là, tout peut se reconstruire : le dialogue, le désir, la place de chacun, le rythme du couple.
4. Comment rééduquer son système nerveux pour aimer autrement
Comme nous venons de le voir, si la sécurité est une capacité du système nerveux (et non un état émotionnel) alors la question n’est plus "pourquoi je réagis ainsi ?", mais "comment je réapprends autrement ?"
Rééduquer son système nerveux, ce n’est pas "se calmer". C’est apprendre à rester dans la relation sans s’effondrer, sans attaquer et sans fuir. De mon point de vue, ce réapprentissage n’a rien d’abstrait. Il se joue dans des micro-moments très concrets où le corps teste une nouvelle manière d’être en lien. C'est dans ce sens que je travaille.
Ce que je propose dans mes accompagnements, c’est un travail précis, parfois confrontant, souvent discret, toujours incarné.
4.1 La première preuve de sécurité : ce qui se passe dans le corps avant que la tête comprenne
Le système nerveux commence à changer quand :
-
le souffle ne se coupe plus au moindre désaccord,
-
le bassin ne se verrouille plus quand l’autre s’approche,
-
la voix reste posée même sous tension,
-
le regard ne fuit plus automatiquement,
-
l’émotion ne déclenche plus un réflexe immédiat de protection.
Ce sont ces signes (minuscules mais stable) qui montrent que le ventral revient.
Et quand la respiration descend naturellement, le corps arrête de lire l’autre comme un danger. Pas besoin d’un protocole complexe :
➡️ juste une expiration plus longue,
➡️ un rythme stable,
➡️ une voix ralentie.
Quand le souffle se déploie, le lien re-devient possible.
4.2 Sortir du mode protection : micro-expositions, pas grands combats
Le système nerveux ne guérit jamais en évitant. Il guérit en testant de toutes petites doses de proximité ou d’émotion sans plonger.
Quelques exemples concrets :
-
tolérer 10 secondes de regard sans se crisper,
-
poser une main sur l’autre sans figer,
-
dire "ça me touche" sans détour,
-
entendre une critique sans basculer en défense,
-
rester 30 secondes de plus dans la conversation.
Ce sont ces minuscules défis qui, répétés, recalibrent la neuroception.
Et puis surtout, on ne peut pas se sentir en sécurité dans un corps verrouillé. La rééducation vagale passe OBLIGATOIREMENT par :
➡️ redonner de la mobilité au bassin,
➡️ relâcher la cage thoracique,
➡️ libérer le diaphragme qui remonte en mode alerte.
Le ventral ne revient jamais dans un corps figé.
La rééducation vagale devient un véritable chemin de souveraineté.
La rééducation du nerf vague, c’est d’apprendre à revenir vers ce qui est vivant, pas vers ce qui est lisse.Voilà pourquoi méditer peut s'avérer délétère pour les personnes figées dans le dorsal : on ne calme pas un corps éteint. On le rallume avec du mouvement pas avec l'application petit Bambou !
Nota essentiel :
Dans la rééducation du nerf vague, il existe un écueil fréquent : confondre apaisement véritable et apaisement défensif. De nombreuses personnes (pas seulement des femmes, mais majoritairement en raison de facteurs biologiques et sociaux -CF. Taylor et al., 2000- ) mobilisent sous stress une stratégie instinctive appelée "tend and befriend" :
➡️ apaiser,
➡️ arrondir les angles,
➡️ prendre soin de l’autre,
➡️ éviter les conflits,
➡️ se faire petite ou très douce,
➡️ dire oui pour ne pas perdre le lien.
Ces personnes ne sont pas calmes : elles s’adaptent. Cette réponse n’est ni de la gentillesse, ni de la douceur, ni de la maturité relationnelle. C’est une réaction neurobiologique de survie.
Ce n’est donc pas du vagal ventral. Ce n’est pas de la régulation. C’est une réponse de survie.
Ce mécanisme vise à réduire la menace par la connexion. Il ne cherche pas l’harmonie : il cherche la sécurité immédiate. La nuance est de taille :
Tend-and-befriend = je me fais petite pour garder le lien ; je calme l’extérieur pour ne pas perdre le lien.
Vagal ventral = je suis moi, donc le lien peut exister.
Signature sexuelle du tend-and-befriend
C’est un point aveugle majeur dans la littérature, mais je le vois pourtant très souvent dans mon cabinet. Voici la stratégie d’apaisement du "tend and befriend" qui se voit immédiatement dans la sexualité :
-
sexualité "pour éviter les tensions",
-
sexualité de service,
-
consentement mécanique,
-
absence de désir véritable,
-
dissociation subtile,
-
incapacité à dire non,
-
orgasme simulé pour maintenir la paix,
-
lubrification faible,
-
érection fragile ou "polie".
Le corps "fait ce qu’il faut" pour maintenir le lien, pas pour habiter le plaisir.
Or, la rééducation vagale vise à restaurer la souveraineté du corps, pas à lisser la relation. C'est radicalement différent.
Nota bis :
Il est essentiel de préciser ceci pour éviter toute essentialisation :
➡️ les femmes mobilisent plus souvent cette stratégie du "tend and befriend" non pas par nature, mais par socialisation (Molinier, 2018 ; Castelain-Meunier ; Bergström).
➡️ Mais les hommes socialisés dans le care, la médiation, le rôle de "pacificateur" ou ayant un attachement anxieux peuvent aussi l’activer.
Pour le dire autrement :
La théorie polyvagale (Porges) décrit les circuits neurobiologiques de sécurité, d’activation et de shutdown.
Le tend-and-befriend (Taylor) décrit la réponse sociale au stress : apaiser, protéger, maintenir le lien pour éviter le conflit.
Les deux se superposent ainsi :
-
Le tend-and-befriend peut activer l’oxytocine, mais rester associé à :
➡️ un vagal dorsal (effondrement) ou
➡️ un sympathique contenu (stress masqué). -
Le vagal ventral, lui, ouvre réellement : respiration, regard, ancrage, tonus, présence.
apaiser ≠ être en sécurité.
être gentil ≠ être ventral.
être calme ≠ être régulé.
4.3 La co-régulation : quand un seul change, tout change
Un couple ne se régule pas forcément "à deux" (même si c'est idéal). Il suffit qu’un seul :
-
ralentisse,
-
respire,
-
parle clairement,
-
soit cohérent,
-
reste ancré,
pour que l’autre retrouve de la stabilité.
Un rythme stable vaut mille explications. Et lorque le corps n’a plus peur, les retentissements dans la sexualité sont flamboyants :
-
le clitoris répond,
-
la lubrification revient,
-
l’érection tient,
-
le périnée se relâche,
-
la présence sexuelle devient possible.
Comme nous l'avons vu précédemment, quand le corps a peur, alors tout se ferme, tout se retire, tout se coupe.
Ce n’est pas du manque de désir. C’est une inhibition vagale.
C’est la raison pour laquelle que je travaille la sécurité avant la sexualité. Toujours.
La guérison polyvagale se voit lorsque l'on assiste à un retour spontané (pas forcé) au lien. Et c’est là que la relation peut enfin évoluer.
Pour nous résumer, rééduquer le nerf vague, c’est des exercices avec :
-
du rythme,
-
du souffle,
-
du mouvement,
-
de la lenteur,
-
de la cohérence,
-
de la proximité dosée,
-
de la co-régulation,
-
des preuves répétées que l’autre n’est pas un danger.
Quand ces conditions sont réunies, le corps arrête de lutter. Et le couple peut, enfin, aimer autrement.
4.5 Et maintenant : la question essentielle que personne n’ose poser
→ Que se passe-t-il quand la relation est toxique ?
→ Quand l’autre est manipulateur, pervers, destructeur ?
→ Quand la peur n’est pas une mémoire mais une réalité ?
La théorie polyvagale NE guérit pas une relation toxique
Il n’existe aucune co-régulation possible avec :
-
une personne de structure perverse,
-
un partenaire manipulateur,
-
quelqu’un qui humilie, contrôle, inverse les responsabilités,
-
quelqu’un qui nie les faits, ment, isole ou culpabilise.
Dans ces cas-là :
➡️ la dérégulation n’est pas relationnelle,
➡️ elle est instrumentalisée,
➡️ et votre système nerveux a RAISON de vous mettre en alerte.
Le problème n’est pas votre nerf vague. Le problème est l’autre.
La sécurité, ce n’est pas rester. La sécurité, c’est s’éloigner.
Une peur continue, dès le réveil, sans cause apparente, ce n’est pas une faiblesse. C’est un signal vital.
Ce n’est pas :
-
un blocage,
-
un trauma ancien,
-
une hypersensibilité,
-
un attachement anxieux.
C’est une alarme honnête. Dans une relation toxique, le système nerveux est le seul à ne jamais se tromper.
Dans ces situations, rééduquer son système nerveux sert à :
-
récupérer de la clarté,
-
sortir du brouillard,
-
remettre du discernement,
-
identifier le mensonge,
-
réguler assez pour pouvoir partir,
-
reconstruire son autonomie.
La sécurité n’est plus le lien. La sécurité, c’est vous.
La seule co-régulation tenable est avec :
➡️ vous-même,
➡️ un thérapeute stable,
➡️ un entourage sécurisant.
Pas avec l’agresseur.
5. Quelques pratiques pour aider vraiment le nerf vague
Comme nous venons de le voir, quand on bascule en vagal dorsal, ce n’est pas un problème de caractère : c’est le corps qui se protège en se mettant en mode "pause".
Dans cet état :
-
on n’a plus d’énergie,
-
on n’arrive plus à sentir,
-
on ne réagit plus,
-
on veut dormir,
-
on se coupe du monde.
C’est normal : le système nerveux cherche à économiser ses ressources. La question importante devient alors : comment en sortir ?
On ne peut pas sortir du dorsal en :
❌ "se motivant",
❌ "respirant calmement",
❌ "se forçant à être positif".
Pour revenir à la sécurité, il faut d’abord redonner du mouvement au corps, mais un mouvement gentil, contenu, progressif, qui ne déclenche pas la panique. Etant moi-même une adepte de la méditation quotidienne, je le dis et le répète à ui veut bien l'entendre : les méditations sont rarement la solution lorsque l'on est dans le vagal dorsal.
C’est pour cela que la respiration holotropique, le rebirth ou encore des exercices ciblés sont des outils très puissants que je propose dans mes accompagnements thérapeutiques.
5.1 Pourquoi ces pratiques respiratoires déconstruisent le figement
Voici ce qu’elles font de façon très concrète :
✔ Elles réveillent doucement le système nerveux
Pas pour créer du stress, mais pour remettre du tonus là où tout s’était figé.
✔ Elles réouvrent la respiration
En dorsal, le diaphragme se contracte et la cage thoracique se ferme.
La respiration profonde permet de "réouvrir la porte".
✔ Elles libèrent les émotions bloquées
Quand le corps se fige, les émotions restent coincées dans les tissus.
Le souffle les remet en circulation — le corps peut enfin évacuer.
✔ Elles modifient la façon dont le cerveau perçoit la sécurité
On appelle ça la neuroception : le cerveau détecte peu à peu que les sensations internes ne sont plus dangereuses.
✔ Elles préparent le retour au ventral
Après le mouvement et la libération, le corps peut redescendre dans :
-
la chaleur,
-
la présence,
-
le lien,
-
le regard,
-
l’envie de parler,
-
l’envie d’être avec l’autre.
C’est ça, l’état vagal ventral.
Holotropique : libérer ce qui était figé.
Rebirth : remettre du souffle là où la vie s’est retirée.
Ventral : recommencer à habiter son corps.
5.2 Pourquoi la respiration holotropique (Grof) aide autant
La respiration holotropique (voir mon article sur la respiration holotropique) utilise un rythme respiratoire plus soutenu, encadré et sécurisant. Ce rythme :
-
réveille les zones "endormies" (freeze),
-
libère le gel corporel,
-
fait remonter les émotions retenues,
-
rouvre le diaphragme,
-
permet au système nerveux de retrouver du mouvement.
Grof dirait que pour guérir, il faut rencontrer ce qui était gelé dans le corps.
D'un point de vue polyvagal, c’est le passage selon le processus suivant :
dorsal → mobilisation soutenable → ventral.
5.3 Pourquoi le rebirth aide différemment
Parce que le rebirth utilise une respiration continue, plus circulaire, il permet :
-
d’adoucir les défenses,
-
de fluidifier les tensions,
-
de calmer l’amygdale (centre de la peur),
-
d’ouvrir les zones contractées,
-
de relâcher le ventre, la mâchoire et la gorge,
-
d’amener plus de présence dans le bassin.
Le corps passe d’un état "je me protège" à "je peux sentir".
C’est une étape clé de la rééducation vagale (voir mon article sur les traumas enfouis et douleurs silencieuses : la transe comme soin psychique et outil de libération).
5.4 Un exercice simple pour sortir du dorsal et revenir au ventral
Exercice : "Réveille – Ouvre – Ancre – Regarde"
1. Réveille (30 sec)
Tapote doucement :
-
les cuisses,
-
les bras,
-
les pieds.
➡️ Ça réactive le tonus sans alerter le système.
2. Ouvre (45 sec)
Place une main sur la poitrine, l’autre sur le bas-ventre. Respire lentement. Expire deux fois plus longtemps que tu n’inspires.
➡️ Cela ouvre les zones vagales fermées par le dorsal.
3. Ancre (45 sec)
Presse légèrement tes pieds dans le sol. Laisse un soupir naturel sortir.
➡️ Le corps enregistre : “Je suis en sécurité.”
4. Regarde (30 sec)
Lève doucement les yeux vers un point stable. Pas de tension, juste une présence.
➡️ Le regard active le système vagal ventral (co-régulation).
FAQ - Tout comprendre sur le nerf vague, les états polyvagaux, le trauma et la rééducation du nerf vague
1. Comment savoir si mon nerf vague est bloqué ?
Selon les travaux de Stephen Porges, une dérégulation vagale se manifeste par :
-
respiration courte,
-
difficultés à se détendre,
-
irritabilité,
-
fatigue chronique,
-
troubles digestifs,
-
hypersensibilité au stress,
-
perte de désir,
-
difficulté à se connecter vraiment aux autres,
-
fatigue profonde,
-
ruminations,
-
respiration courte,
-
tensions dans la gorge ou la cage thoracique,
-
hypersensibilité au stress,
-
shutdown (effondrement),
-
freeze (tension figée),
-
perte de désir ou d’élan vital.
En clair : si vous êtes "en tension" dans la vie alors que vous voudriez être "en lien", votre nerf vague manque de sécurité.
2. Quelle est la différence entre freeze et shutdown ?
-
Freeze = immobilité sous tension (trop plein) - (hyperactivation + inhibition).
-
Shutdown = immobilité par effondrement (trop vide) - (hypoactivation).
3. Peut-on sortir du dorsal avec des exercices de respiration lente ?
Selon Evelyne Josse, non, pas dans les shutdown profonds.
La respiration lente active le ventral, mais le ventral n’est accessible que si le système est suffisamment éveillé.
Il faut d’abord un peu de mobilisation sympathique douce (réveil avec des exercicesclés et surtout pas de méditation "petit bambou"), puis la sécurité vagale (lien).
4. Pourquoi faut-il passer par le sympathique pour sortir du dorsal avant de revenir au ventral ?
Parce que le dorsal coupe :
-
l’énergie,
-
la motivation,
-
la présence,
-
la conscience,
-
le contact avec soi.
Porges et Josse l'expliquent clairement : le sympathique remet de la vie dans le système. Le ventral remet du lien.
5. Que dit Gabor Maté sur le trauma et le nerf vague ?
Maté rappelle que le trauma n’est pas l’événement, mais la rupture intérieure que l’on a dû créer pour survivre.
Cette rupture correspond exactement :
-
au freeze relationnel,
-
au tend-and-befriend,
-
au shutdown dorsal.
La rééducation vagale = revenir là où l’on s’était quitté.
6. Qu’est-ce que la stratégie du "tend-and-befriend" et pourquoi est-ce polyvagal ?
Ce mécanisme décrit par Shelley Taylor et confirmé empiriquement est le suivant : lorsqu’une personne perçoit du danger relationnel, elle se sur-adapte pour préserver le lien.
C’est une stratégie ventro-sympathique d’apparente sécurité… mais coûteuse. On dirait "calme", mais c’est du trauma.
Maté dirait : c’est l’enfant qui reste aimable pour ne pas perdre l’amour.
7. Pourquoi les traumas précoces dérèglent-ils le nerf vague ?
Parce que le système nerveux en développement s’organise en fonction du :
-
climat affectif,
-
niveau de sécurité,
-
qualité du lien d’attachement.
Selon les recherches (Guédeney, Cyrulnik, Bogeat), ce n’est pas l’événement qui blesse le plus, mais l’absence de sécurité relationnelle.
8. Comment le couple influence le système nerveux autonome ?
La relation intime est un régulateur polyvagal majeur :
-
regard,
-
voix,
-
toucher,
-
expressions du visage,
-
rythme corporel.
Tous ces signaux activent le vagal ventral, c’est-à-dire :
la sécurité,
l’ouverture,
la disponibilité sexuelle.
Mais l’inverse est vrai :
-
critique = sympathique,
-
retrait = dorsal.
9. Qu’est-ce qu’une "sécurité polyvagale" ?
C’est l’état décrit par Porges où :
-
la respiration est fluide,
-
le visage est ouvert,
-
les émotions circulent,
-
le lien est accessible,
-
la sexualité peut s’activer.
C’est la base du couple conscient.
10. Quel est le rôle du nerf vague dans la sexualité ?
Selon Brenot, Héril, Crépault et la sexologie contemporaine : la sécurité est le premier aphrodisiaque.
Dans la logique polyvagale :
-
pas de ventral → pas de désir,
-
pas de sécurité → excitation anxieuse,
-
pas de connexion → performance ou évitement.
Le travail vagal transforme la sexualité en profondeur.
11. Comment la respiration holotropique aide-t-elle le système nerveux ?
Elle "réveille" :
-
circulation énergétique,
-
diaphragme,
-
tonus,
-
conscience corporelle.
Elle permet de sortir d’un dorsal verrouillé. Sans cela, le travail thérapeutique ne peut pas s’ancrer.
12. Le rebirth est-il trop intense pour un système nerveux traumatisé ?
Il peut l’être. D’où la nécessité :
-
d’un cadre,
-
d’un thérapeute formé,
-
d’une progression adaptée.
Règle générale :
shutdown profond → holotropique doux
freeze → mobilisation progressive
tend-and-befriend → respiration + vérité relationnelle
13. Est-ce que le nerf vague peut se rééduquer après des années de trauma ?
Oui. La plasticité vagale est démontrée.
Avec :
-
souffle,
-
mouvement,
-
présence,
-
co-régulation,
-
thérapie du lien.
C’est ce que Porges appelle "neuroception de sécurité restaurée".
14. Pourquoi certaines personnes "disjonctent" en séance ?
Parce que leur système nerveux :
-
se sent submergé (→ sympatique),
-
se sent impuissant (→ dorsal),
-
se protège (→ dissociation).
La clé thérapeutique = lenteur + repères + ancrage + regard stable.
15. Pourquoi parfois je me "ferme" avec mon / ma partenaire ?
Selon Maté :
On se ferme là où on a été blessé.
Selon Porges :
Le corps détecte un danger non verbal.
Selon Josse :
Le système nerveux tente de vous protéger en coupant la sensation.
16. Quel exercice simple pour activer le vagal ventral ?
Réveille – Ouvre – Ancre – Regarde
Il suit exactement la trajectoire polyvagale :
-
Réveille → mobilisation
-
Ouvre → respiration
-
Ancre → sécurité interne
-
Regarde → co-régulation
17. Comment savoir si mon shutdown est profond ?
Signes :
-
voix plate,
-
regard absent,
-
énergie effondrée,
-
perte de désir,
-
incapacité à dire ce qu’on ressent,
-
sensation de vide.
Si vous vous sentez "éteint", c’est du dorsal.
18. Comment le trauma transgénérationnel influence-t-il le nerf vague ?
Parce que le système nerveux hérite :
-
du climat émotionnel familial,
-
des modes de défense,
-
des patterns relationnels.
Les travaux de l’épigénétique montrent qu’un stress intense se transmet sur 2 à 3 générations.
19. Peut-on avoir un nerf vague "trop activé" ?
Oui. Certaines personnes vivent en pseudo-ventral :
-
trop empathiques,
-
trop calmes,
-
trop conciliantes.
En réalité, ce n’est pas du ventral. C’est du tend-and-befriend (survie relationnelle).
20. Quand consulter ?
Quand :
-
le stress devient insupportable,
-
le corps se met en mode survie,
-
le couple s’éteint,
-
la sexualité disparaît,
-
la présence intérieure ne revient plus.
C’est là que la thérapie du lien, la sexothérapie et la rééducation vagale deviennent essentielles.
Conclusion : si votre corps se ferme, ce n’est pas que vous n’aimez plus
Ce que montre la théorie polyvagale, (Cf. les travaux de Porges, Dana, Van der Kolk et Joss) et ce que j’observe chaque jour dans ma pratique en cabinet, c’est que la sécurité n’est pas un sentiment mais une capacité nerveuse. Quand le système vagal ventral est actif, le couple redevient alors un lieu où il est possible d’écouter sans se défendre, de parler sans s’effondrer et de se rapprocher sans se perdre.
En fait, l'enjeu est de taille : sans rééducation du système nerveux, rien ne change durablement
Communiquer mieux ne suffit pas.
Aimer très fort ne suffit pas.
Vouloir faire mieux ne suffit pas.
Tant que le système nerveux reste réglé sur la menace :
-
les conflits répétitifs reviennent,
-
la sexualité s’éteint ou s’effondre,
-
la proximité déclenche la défense,
-
la relation rejoue l’attachement blessé,
-
le trauma pilote les réactions.
Et lorsque le nerf vague est rééduqué, tout le système change :
➡️ la régulation émotionnelle,
➡️ le désir,
➡️ la présence,
➡️ la communication,
➡️ la capacité à rester dans le lien.
Pour autant, il serait faux de croire que la sécurité vagale est une fin. De mon point de vue, je dirais que c’est un point d’accès. C’est surtout le moment où le corps arrête d’interpréter l’autre comme un danger et peut enfin explorer :
-
un lien plus profond,
-
une intimité plus stable,
-
une sexualité plus vraie,
-
une parole plus précise,
-
une présence plus consciente.
Dans mon approche (en tant que psychologue sociale, thérapeute de couple spécialisée en systémique et travail psychocoporel, sexothérapeute et facilitatrice en respiration holotropique et breahtwork-rebirth), le travail sur le nerf vague n’est pas un outil parmi d’autres : c’est la porte d’entrée de toute transformation durable.
Pourquoi ? Parce que le nerf vague ne ment jamais : quand il se régule, le corps redevient un lieu habitable, la relation un espace respirable et l’amour une expérience qui ne coûte plus.
Si vous sentez que votre système nerveux pilote encore vos réactions, vos conflits, votre proximité, votre désir ou votre façon d’aimer, je vous accompagne :
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Et commencez à reconstruire un système nerveux qui vous permet enfin d’aimer autrement.
Bibliographie
Audibert, C. (2018). Les blessures d’attachement. Paris : Payot.
Bacqué, M.-F. (2012). Psychologie de la mort. Paris : Dunod.
Bogeat, A.-L. (2018). Articles sur attachement et traumatismes précoces. Cairn.info.
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-
30–40 % des adultes présentent une dérégulation vagale liée au stress chronique (Task Force of the European Society of Cardiology, 2015).
-
70 % des difficultés du désir féminin sont liées à la sécurité émotionnelle (Brenot, Les hommes, le sexe et l'amour, 2017).
-
60 % des patients traumatisés présentent des états freeze/dorsal (Cloitre, Trauma Complexe, 2012).
-
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Wilber, K. (2000). Psychologie intégrale : Concience, esprit, corps et spiritualité. Paris : Almora.
NeoSoi - Dr Céline BERCION - psychologue sociale et systémique, thérapie de couple et sexothérapie - Bordeaux et visio
36 Avenue Roger Cohé
33600
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